Je commence ce blog, qui j’espère perdurera en vous parlant polar. Mais ATTENTION pas n’importe quel polar : je nomme la série de romans noirs, écrite par Fred Vargas et mettant en scène le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg ! Un commissaire terriblement attachant. Ayant relu récemment tous les tomes de cette série de romans policiers, je souhaite partager avec vous mon attachement pour les personnages et le plaisir pris lorsque j’ouvre un roman de Fred Vargas.
Le polar : le retour !
Le polar, ou littérature « noire », a longtemps été considéré comme un genre mineur. Petit point culture : le polar – romans policiers, littérature noire – renvoie à la littérature de genre tout comme le fantasy ou la science fiction par opposition à la littérature « blanche » terminologie qui correspond à la littérature dites générale. Cette époque est révolue, le polar a su se rénover grâce à des auteurs aujourd’hui mondialement connus : Fred Vargas, Michel Bussi, Bernard Minier, Lisa Gardner, Camilla Läckberg, Pierre Lemaître, Peter May, Jussi Adler Olsen… Ces auteurs ont su dépoussiérer et moderniser ce genre trop longtemps cantonné à l’image un brin vieillotte old school du fameux Hercule Poirot (pourtant si attachant) dont la grande majorité des enquêtes se déroulent à huis clos.
L’originalité de Fred Vargas : pourquoi on adore ses polars
Je trouve que le propre de Fred Vargas est de faire passer l’enquête au second plan, ce qui vous me l’accorderez est un véritable tour de force, puisque le polar contrairement à la littérature « blanche » a pour fil conducteur une intrigue policière. Dans les romans de Fred Vargas, l’intrigue s’avère être toujours très complexe, j’irais presque jusqu’à dire – et cela n’engage que moi – qu’elle est un fabuleux prétexte pour renouer avec les personnages de Fred Vargas. On se perd, on trébuche, on tente de comprendre l’incompréhensible pour finalement se résigner et nous perdre nous aussi dans les méandres de l’esprit brumeux du commissaire à qui l’on donne carte blanche pour résoudre les énigmes qui semblent n’avoir ni queue ni tête. Mais ce n’est pas l’important, puisque dès que j’ouvre un roman de cette auteure, je cherche à savoir comment vont les personnages, Danglard a t-il une compagne ? Adamsberg a t-il réussi à rattraper Camille ? L’entente entre Adamsberg et Veyrenc est-elle au beau fixe ? Qui des « cartésiens » est devenu « pelleteur de nuage » ? J’ai un peu l’impression de retrouver des amis de longue date que je voie évoluer au fil des romans et pour qui j’éprouve de l’affection. Et oui, c’est la magie de la littérature et surtout il faut le préciser le propre d’un grand écrivain. Qui a lu Harry Potter et ne s’est pas attaché aux personnages, est un coeur de pierre !!
Un univers décalé
Le style de Fred Vargas s’avère si original, qu’on lui attribue la création d’un genre littéraire particulier, le « rompol »décrit comme « objet essentiellement poétique, il n’est pas noir mais nocturne, c’est-à-dire qu’il plonge le lecteur dans le monde onirique… » d’après Jeanne Guyon du Magazine Littéraire. On évolue dans un univers brumeux, à la limite du merveilleux. Fred Vargas, archéologue de profession donne une importance particulière aux mythes, rites, animaux dans ces romans. Pars vite et reviens tard évoque un possible retour de la peste dans la capitale, L’armée furieuse ressuscite une légende moyenâgeuse et dans Les temps glaciaires on se prend d’affection pour un sanglier doté d’une intelligence quasi humaine…
Des personnages hétéroclites et humains
Jean-Baptiste Adamsberg
La spécificité de Fred Vargas est son personnage principal : le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg. Il rompt avec les codes du roman policier. Adamsberg n’est ni macho, ni arrogant, ni pédant, ni rationnel, ni précis…la liste est longue. En somme, Adamsberg n’incarne ni le mâle alpha, ni le détective astucieux et pointilleux. Encore s’agit-il de pouvoir le définir. Il est solitaire, tout en sachant valoriser chacun des éléments de sa brigade pour le moins hétéroclite, instable et incapable de raisonnements cartésiens et logiques. Il est doté d’une sensibilité et d’une intuition hors normes qui lui permettent de résoudre de manière inattendue les enquêtes les plus épineuses d’où le surnom de « pelleteur de nuage ». Ce surnom, lui a été donné par un collègue québécois dans Sous les vents de neptune et fait référence à la capacité qu’à le commissaire à s’évader et laisser son esprit vagabonder librement sans chercher à s’accrocher à quoique ce soit de tangible. La brigade va par la suite se découper en deux blocs distincts : les « cartésiens », soient ceux qui réclament des éléments tangibles et les « pelleteurs de nuage » qui suivent le commissaire dans les méandres de son esprit. Je pense que ce qui rend Adamsberg si attachant c’est le fait qu’il soit totalement libre, sans attache, continuellement célibataire – même si on lui connaît un grand amour qui apparaît dans plusieurs tomes sous les traits de Camille Forestier -. Il est mystérieux, ce qui le rend séduisant, et très humain. On ressent comme une envie de le protéger alors que certains aspects de sa personnalité comme sa peur de l’engagement pourrait le rendre égoïste et lâche. On aurait tendance à vouloir le materner puisqu’il semble évoluer dans un monde qui le dépasse. Adamsberg me fait penser à un enfant pas très sûr de lui et un peu pataud qui ne sait pas trop où il va mais finit toujours par retomber sur ses pattes.
Les personnages principaux (liste non exhaustive)
- Adrien Danglard est l’adjoint du commissaire et incarne tout ce que n’est pas Adamsberg. Père responsable, il éduque et couve telle une mère louve ses quatre enfants seul. Il soutient le commissaire publiquement mais reste sceptique quant aux méthodes utilisées par celui-ci pour résoudre les affaires criminelles. Adepte des preuves et raisonnements cartésiens, il entrera en conflit régulièrement avec son supérieur. Il reste néanmoins un ami indéfectible du commissaire. Il est doté d’une mémoire et d’une culture encyclopédique, qui compense les lacunes du commissaire qui s’appuie sur son intuition.
- Violette Retancourt, est un de mes personnages préférés. Alors que son prénom évoque une jolie fleur délicate, le lieutenant Retancourt avoisine les 100 kilos et s’avère plutôt massive. Elle est dotée d’un don particulier, celui de convertir son énergie comme bon lui semble, capable de survivre dans des conditions extrêmes, de déployer une force hors du commun, de sortir le commissaire de situations catastrophiques, de dormir debout…et j’en passe. Retancourt est une sur-femme, qui au fil des histoires prend une place de plus en plus importante que ce soit dans la brigade ou dans l’intimité du commissaire.
- Camille Forestier partage une relation amoureuse épisodique en dents de scie avec notre héros. Sa particularité est sa double profession : musicienne et plombier.
- Veyrenc, béarnais comme son chef s’exprime en……alexandrins. Et oui, chez Fred Vargas, tout est permis, après Danglard et son savoir hors norme on trouve Veyrenc avec ses alexandrins et ses cheveux bicolores, héritage de violences enfantines.
- Estalère, jeune brigadier dont les yeux, en permanence écarquillés, reflètent une grande naïveté. Il ne se démarque pas par ses compétences professionnelles au sein de la brigade mais par le fait qu’il ait retenu les goûts de chacun en matière de café – serré, allongé, avec ou sans sucre, une nappe de lait…
- Froissy, dont la phobie de manquer de quoi se sustenter tourne à l’obsession la pousse à cacher dans chaque recoin de la brigade de la nourriture. Froissy se démarque par ses connaissances en informatique.
- …
Liste des ouvrages de la série mettant en scène le commissaire Adasmberg
- L’homme aux cercles bleus (1991)
- L’homme à l’envers (1999)
- Les quatre fleuves (2000)
- Pars vite et reviens tard (2001)
- Coule la Seine (2002)
- Sous les vents de Neptune (2004)
- Dans les bois éternels (2006)
- Un lieu incertain (2008)
- L’armée furieuse (2011)
- Temps glaciaires (2015)
Et ssuurrrppprriiissseee…….un nouvel épisode des aventures du commissaire Adamsberg paraîtra le 10 mai 2017 !!!!!! (Retrouvez ma chronique ici)
ROMAN NOIRTHRILLER
Vincent
janvier 12, 2021Bonjour,
oui je suis d’accord, un style hors-pair et super attachant, un humour camouflé et subtile.. elle s’invite, elle et les siens lors de mes soirées d’hiver principalement..
Les lire dans l’ordre est le plus dur pour moi.
Ont ils attrapés le tortionnaire de pigeon?
J’ai lu temps glaciaire avant l armée furieuse mais je ne me souviens pas s’il est mentionné dans le temps glaciaire l’arrestation du tortionnaire.
Je vais devoir me faire la série dans l’ordre.
Nobody67
janvier 31, 2021Analyse sommaire de la collection Adamsberg.
Sacré périple jonché de meurtres crapuleux, d’histoires horribles, mais aussi d’une équipe de policiers à la fois hétéroclite et soudée ! Pour contrebalancer avec leur quotidien, il y a quelque chose de très humain chez ceux-ci. « Bons ou méchants », même remarque pour les autres protagonistes qui parsèment les investigations.
Je ne vous nommerai pas chacun des rôles principaux.
Est-ce l’une de ses marques de fabrique ? Toujours est-il, au lieu d’avoir recours par exemple à l’ellipse, l’autrice se fait une nécessité de les présenter à chaque nouvelle parution. J’ajoute que cet exercice en devient personnellement lassant.
La grande force de Vargas, c’est son accroche qui provient d’une écriture à la fois gouleyante, empathique et chaleureuse. À dessein, je n’ai pas prononcé condescendante ! En se laissant piéger dans les passions et autres tourments de ses ouvrages, il n’y a plus moyen de s’en dépêtrer ensuite. Lecture hautement addictive garantie !
Sa faiblesse, prendre quelque part son lectorat, ou une partie de son lectorat, pour des imbéciles. Je m’en explique.
À mon sens, presque dans chaque polar, il est assez facile de pressentir qui tire les ficelles, lequel-s assassine-nt. En parallèle, notre écrivaine attache beaucoup d’énergie et d’obstination à essayer d’emporter son lecteur sur de fausses pistes. Alors qu’il y a pourtant des éléments qui frappent. Comme si son personnage principal, pourtant très intelligent quoi qu’il y paraisse, n’y voyait clair qu’à la fin !?
Il y a aussi parfois, suivant les épisodes, ces coïncidences dignes d’un film grand public qui n’arrangent rien et qui arrangent tout.
(Attention spoiler : Sans compter Camille Forestier, un maillon important quant à l’équilibre de Jean-Baptiste Adamsberg, qui disparaît complètement après « Un lieu incertain ». Soit sur les 3 publications suivantes. Invraisemblable oubli de la part de notre romancière ?)
Est-ce là les signes d’une faiblesse narrative ? Peut-être…
En tout cas, selon moi, c’est dans ces détails que le bas blesse.
Pour conclure, je n’ai cependant aucun regret de m’être plongé dans ces bouquins. L’auteure réussit avec brio ce tour de force qui est d’emporter son lecteur loin. Parfois même très loin. Cela n’étant pas donné à tout le monde !
Mes préférés sont :
1) L’homme à l’envers. Chasse à l’homme en forme de road-movie montagnard mené tambour battant. Avec beaucoup d’humour pour désamorcer la tension.
2) Quand sort la recluse.
En quelque sorte, la somme de son expérience d’écrivaine se retrouve clairement rodée dans cet ouvrage dernier. Il est considéré comme son chef-d’œuvre par la plupart de ses fans.
3) L’homme aux cercles bleus. Parce que c’est le tout premier. Telle une mécanique bien huilée, il y a aussi tout l’environnement et le caractère des principaux protagonistes qui se met déjà en place.
(4) Sous les vents de Neptune.
Retenu non pas pour ses vaines commodités. Mais parce qu’il s’agit du livre pivot. Celui des grands bouleversements autour du commissaire.
Quoi qu’il en soit, vis-à-vis de l’évolution des romans, il est recommandé de les lire dans l’ordre chronologique.
À ce propos, j’ai une dernière observation.
Au fil des volumes, les crimes en série deviennent de plus en plus ignobles, odieux, crapuleux. À la fin de chacune des enquêtes, il y a lieu de se dire, vu le niveau atteint, Fred Vargas n’ira pas plus haut. Et pourtant si, c’est toujours pire. Comme si notre talentueuse écrivaine se faisait un devoir de surenchérir dans la violence, dans l’insoutenable. Pourquoi et pour qui ?
Des aficionados davantage avides de sensationnalisme ?
Suite à la dernière parution en 2017, peut-être est-ce la raison pour laquelle Adamsberg est pour l’instant au repos ? Ces interrogations légitimes me semblent à méditer.