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Chanson douce, Leïla Slimani : Prix Goncourt 2016 (#RL2016)

Novembre 2016, alors que la saison des prix littéraires bat son plein, Leïla Slimani remporte le plus prestigieux d’entre eux : le prix Goncourt pour son second roman Chanson douce. Outre le fait qu’elle ne soit que la douzième femme à remporter cette distinction en cent-treize ans, son roman a été distingué dès le premier tour de scrutin. Ce thriller psychologique poignant fut une très belle découverte et fait partie de mes coups de coeur de l’année 2016 ! 😀

Résumé

Lorsque Myriam, mère de deux jeunes enfants, décide malgré les réticences de son mari de reprendre son activité au sein d’un cabinet d’avocats, le couple se met à la recherche d’une nounou. Après un casting sévère, ils engagent Louise, qui conquiert très vite l’affection des enfants et occupe progressivement une place centrale dans le foyer. Peu à peu le piège de la dépendance mutuelle va se refermer, jusqu’au drame.

Gallimard

La complexité des personnages

Dès le début du récit, nous connaissons l’issue tragique de cette cohabitation malsaine entre la nounou, les parents et les enfants. Ainsi, ce n’est pas tant « l’histoire » en elle-même qui m’a touchée mais la manière qu’à Leïla Slimani de placer la psychologie au centre du récit. Si je ne devais choisir que deux auteurs parmi tous ceux que j’affectionne, je choisirais sans hésiter Stefan Zweig et Sigmund Freud. On retrouve chez Leïla Slimani ces deux influences. Stefan Zweig, est mon auteur préféré, il a une écriture puissante et brute qui ne s’embarrasse pas de détails secondaires, il va directement à l’essentiel. Il met l’accent sur le caractère psychologique de ses personnages et décrit sans fard les aspects les plus sombres de l’âme humaine. Leïla Slimani décrit avec la même verve la perversité de la nounou et l’aveuglement des parents. La tension qui monte au fil du récit vient de ce que l’on assiste en qualité de témoin à la folie destructrice de cette nounou totalement névrosée sans pouvoir faire infléchir le cours de l’histoire tout en connaissant l’aboutissement. La construction du récit est très astucieuse et renforce la tension nerveuse qui s’en dégage, en nous donnant à connaître la fin, on tente de comprendre le basculement, le point d’inflexion, de rupture qui permettrait de comprendre le geste fatale de la nounou.

Une plume acérée

Comme je l’ai dit plus haut, je retrouve des influences zweigiennes chez Leïla Slimani. Celles-ci se manifestent tant à travers la description des personnages, qu’à travers son écriture incisive. Je trouve qu’il est difficile – n’étant pas une experte littéraire – d’exprimer avec des mots ce que je ressens en lisant cette auteure. Je trouve l’écriture puissante, incisive et brute. Chaque mot qu’emploie l’auteure est pesée, rien n’est en trop et à la fois rien ne manque. Leïla Slimani donne à penser que chaque phrase, mot, intonation est savamment mesurer à l’avance. Cette façon d’écrire m’a totalement happée, il m’était alors impossible de lâcher Chanson douce.

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Conclusion

Enfin, je souhaite remercier cette merveilleuse écrivaine qu’est Leïla Slimani, puisqu’elle a su me réconcilier avec les ouvrages primés. Depuis quelque temps, j’avais tendance à être plutôt déçue par ses ouvrages dont je trouvais soit l’écriture alambiquée, soit le sujet inintéressant. Je trouve que Leïla Slimani est un des rares auteurs capables aujourd’hui d’allier intensité du récit et beauté de l’écriture, ce qui est peut-être la raison pour laquelle elle rencontre un tel succès ! 😉

>>> Chronique du Prix Goncourt 2004, par ici !

>>> Chronique du Prix Goncourt 2017, par ici !

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La série du commissaire Adamsberg, Fred Vargas

Je commence ce blog, qui j’espère perdurera en vous parlant polar. Mais ATTENTION pas n’importe quel polar : je nomme la série de romans noirs, écrite par Fred Vargas et mettant en scène le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg ! Un commissaire terriblement attachant. Ayant relu récemment tous les tomes de cette série de romans policiers, je souhaite partager avec vous mon attachement pour les personnages et le plaisir pris lorsque j’ouvre un roman de Fred Vargas.

Le polar : le retour !

Le polar, ou littérature « noire », a longtemps été considéré comme un genre mineur. Petit point culture : le polar – romans policiers, littérature noire – renvoie à la littérature de genre tout comme le fantasy ou la science fiction par opposition à la littérature « blanche » terminologie qui correspond à la littérature dites générale. Cette époque est révolue, le polar a su se rénover grâce à des auteurs aujourd’hui mondialement connus : Fred Vargas, Michel Bussi, Bernard Minier, Lisa Gardner, Camilla Läckberg, Pierre Lemaître, Peter May, Jussi Adler Olsen… Ces auteurs ont su dépoussiérer et moderniser ce genre trop longtemps cantonné à l’image un brin vieillotte old school du fameux Hercule Poirot (pourtant si attachant) dont la grande majorité des enquêtes se déroulent à huis clos.

L’originalité de Fred Vargas : pourquoi on adore ses polars

 

Je trouve que le propre de Fred Vargas est de faire passer l’enquête au second plan, ce qui vous me l’accorderez est un véritable tour de force, puisque le polar contrairement à la littérature « blanche » a pour fil conducteur une intrigue policière. Dans les romans de Fred Vargas, l’intrigue s’avère être toujours très complexe, j’irais presque jusqu’à dire – et cela n’engage que moi – qu’elle est un fabuleux prétexte pour renouer avec les personnages de Fred Vargas. On se perd, on trébuche, on tente de comprendre l’incompréhensible pour finalement se résigner et nous perdre nous aussi dans les méandres de l’esprit brumeux du commissaire à qui l’on donne carte blanche pour résoudre les énigmes qui semblent n’avoir ni queue ni tête. Mais ce n’est pas l’important, puisque dès que j’ouvre un roman de cette auteure, je cherche à savoir comment vont les personnages, Danglard a t-il une compagne ? Adamsberg a t-il réussi à rattraper Camille ? L’entente entre Adamsberg et Veyrenc est-elle au beau fixe ? Qui des « cartésiens » est devenu « pelleteur de nuage » ? J’ai un peu l’impression de retrouver des amis de longue date que je voie évoluer au fil des romans et pour qui j’éprouve de l’affection. Et oui, c’est la magie de la littérature et surtout il faut le préciser le propre d’un grand écrivain. Qui a lu Harry Potter et ne s’est pas attaché aux personnages, est un coeur de pierre !!

Un univers décalé

 

Le style de Fred Vargas s’avère si original, qu’on lui attribue la création d’un genre littéraire particulier, le « rompol »décrit comme « objet essentiellement poétique, il n’est pas noir mais nocturne, c’est-à-dire qu’il plonge le lecteur dans le monde onirique… » d’après Jeanne Guyon du Magazine Littéraire. On évolue dans un univers brumeux, à la limite du merveilleux. Fred Vargas, archéologue de profession donne une importance particulière aux mythes, rites, animaux dans ces romans. Pars vite et reviens tard évoque un possible retour de la peste dans la capitale, L’armée furieuse ressuscite une légende moyenâgeuse et dans Les temps glaciaires on se prend d’affection pour un sanglier doté d’une intelligence quasi humaine…

Des personnages hétéroclites et humains

Jean-Baptiste Adamsberg

La spécificité de Fred Vargas est son personnage principal : le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg. Il rompt avec les codes du roman policier. Adamsberg n’est ni macho, ni arrogant, ni pédant, ni rationnel, ni précis…la liste est longue. En somme, Adamsberg n’incarne ni le mâle alpha, ni le détective astucieux et pointilleux. Encore s’agit-il de pouvoir le définir. Il est solitaire, tout en sachant valoriser chacun des éléments de sa brigade pour le moins hétéroclite, instable et incapable de raisonnements cartésiens et logiques. Il est doté d’une sensibilité et d’une intuition hors normes qui lui permettent de résoudre de manière inattendue les enquêtes les plus épineuses d’où le surnom de « pelleteur de nuage ». Ce surnom, lui a été donné par un collègue québécois dans Sous les vents de neptune et fait référence à la capacité qu’à le commissaire à s’évader et laisser son esprit vagabonder librement sans chercher à s’accrocher à quoique ce soit de tangible. La brigade va par la suite se découper en deux blocs distincts : les « cartésiens », soient ceux qui réclament des éléments tangibles et les « pelleteurs de nuage » qui suivent le commissaire dans les méandres de son esprit. Je pense que ce qui rend Adamsberg si attachant c’est le fait qu’il soit totalement libre, sans attache, continuellement célibataire – même si on lui connaît un grand amour qui apparaît dans plusieurs tomes sous les traits de Camille Forestier -. Il  est mystérieux, ce qui le rend séduisant, et très humain. On ressent comme une envie de le protéger alors que certains aspects de sa personnalité comme sa peur de l’engagement pourrait le rendre égoïste et lâche. On aurait tendance à vouloir le materner puisqu’il semble évoluer dans un monde qui le dépasse. Adamsberg me fait penser à un enfant pas très sûr de lui et un peu pataud qui ne sait pas trop où il va mais finit toujours par retomber sur ses pattes.

 

Les personnages principaux (liste non exhaustive)

  • Adrien Danglard est l’adjoint du commissaire et incarne tout ce que n’est pas Adamsberg. Père responsable, il éduque et couve telle une mère louve ses quatre enfants seul. Il soutient le commissaire publiquement mais reste sceptique quant aux méthodes utilisées par celui-ci pour résoudre les affaires criminelles. Adepte des preuves et raisonnements cartésiens, il entrera en conflit régulièrement avec son supérieur. Il reste néanmoins un ami indéfectible du commissaire. Il est doté d’une mémoire et d’une culture encyclopédique, qui compense les lacunes du commissaire qui s’appuie sur son intuition.
  • Violette Retancourt, est un de mes personnages préférés. Alors que son prénom évoque une jolie fleur délicate, le lieutenant Retancourt avoisine les 100 kilos et s’avère plutôt massive. Elle est dotée d’un don particulier, celui de convertir son énergie comme bon lui semble, capable de survivre dans des conditions extrêmes, de déployer une force hors du commun, de sortir le commissaire de situations catastrophiques, de dormir debout…et j’en passe. Retancourt est une sur-femme, qui au fil des histoires prend une place de plus en plus importante que ce soit dans la brigade ou dans l’intimité du commissaire.
  • Camille Forestier partage une relation amoureuse épisodique en dents de scie avec notre héros. Sa particularité est sa double profession : musicienne et plombier.
  • Veyrenc, béarnais comme son chef s’exprime en……alexandrins. Et oui, chez Fred Vargas, tout est permis, après Danglard et son savoir hors norme on trouve Veyrenc avec ses alexandrins et ses cheveux bicolores, héritage de violences enfantines.
  • Estalère, jeune brigadier dont les yeux, en permanence écarquillés, reflètent une grande naïveté. Il ne se démarque pas par ses compétences professionnelles au sein de la brigade mais par le fait qu’il ait retenu les goûts de chacun en matière de café – serré, allongé, avec ou sans sucre, une nappe de lait…
  • Froissy, dont la phobie de manquer de quoi se sustenter tourne à l’obsession la pousse à cacher dans chaque recoin de la brigade de la nourriture. Froissy se démarque par ses connaissances en informatique.

Liste des ouvrages de la série mettant en scène le commissaire Adasmberg

  • L’homme aux cercles bleus (1991)
  • L’homme à l’envers (1999)
  • Les quatre fleuves (2000)
  • Pars vite et reviens tard (2001)
  • Coule la Seine (2002)
  • Sous les vents de Neptune (2004)
  • Dans les bois éternels (2006)
  • Un lieu incertain (2008)
  • L’armée furieuse (2011)
  • Temps glaciaires (2015)

 

Et ssuurrrppprriiissseee…….un nouvel épisode des aventures du commissaire Adamsberg paraîtra le 10 mai 2017 !!!!!! (Retrouvez ma chronique ici)

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