Julia Deck, pour son premier roman, fixe son intrigue dans la tête d’une meurtrière. Viviane Élisabeth Fauville a quarante-deux ans, un enfant qui vient d’arriver, un mari qui vient de la quitter et un psy incapable de la soulager. Ou plutôt devrais-je dire avait. Puisque son psychanalyste, justement, elle vient de le tuer. Mort poignardé, il gît dans son cabinet. Il faut dire qu’Élisabeth en a eu marre. Sa claque de cet argent gaspillé, de ces heures passées à se confier sans percevoir le moindre signe de changement. Le couteau, une fois le sale boulot fait, elle l’a lavé et soigneusement replacé là où elle l’avait trouvé. Chez son futur ex-mari. Après, elle est rentrée s’occuper du bébé. Le bercer et le câliner. Puis, c’est le flou. Les souvenirs se brouillent. Ce n’est que le lendemain matin qu’elle se souvient. La veille, elle avait vaqué à ses occupations comme si de rien n’était. Mais là impossible. Le bébé va se réveiller. Elle ne doit pas tergiverser. Il faut trancher. Élaborer un plan et s’y tenir. Interrogée sur son emploi du temps, Élisabeth ment. Son psy ? Oui, oui, elle s’en souvient. Mais évidemment qu’il était vivant quand elle l’a quitté. Quelle idée ! Elle, une meurtrière ? Certainement pas. Juste une mère célibataire tentant d’élever seule son enfant. Anxieuse ? On le serait pour moins, non ? À cela s’ajoute la menace d’être remplacée par celle qui a été recrutée pendant son congé maternité. Viviane Élisabeth Fauville se sent menacée. Tous lui rappellent qu’elle est vieille, dépassée, usée, prête à être jetée. La réussite de l’auteure est l’emploi du « je », qui produit un effet de réalisme saisissant. Julia Deck retranscrit avec précision les mécanismes psychologiques à l’œuvre dans l’esprit d’une meurtrière. Sa paranoïa et ses tentatives désespérées de nier sa culpabilité. Elle explore la psyché d’une femme épuisée qui voit son monde s’effriter et sa mémoire lui échapper. Julia Deck manipule son lecteur avec dextérité et signe un premier roman troublant.
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