COUPS DE COEUR

Miniaturiste, Jessie Burton : un monde miniature plus vrai que nature

16 décembre 2018
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Nella est une jeune femme d’Ă  peine dix-huit ans, l’esprit encore embuĂ© des fantasmes de l’enfance, lorsqu’elle rejoint Ă  Amsterdam l’homme qu’elle vient d’Ă©pouser. Elle, qui s’imagine mener une vie d’Ă©pouse Ă©panouie au bras d’un riche marchand, dĂ©chante rapidement. L’accueil, qui lui est fait, est annonciateur du peu d’intĂ©rĂȘt qui lui sera portĂ©. Elle est traitĂ©e comme une intruse dans cette maison, oĂč chaque porte fermĂ©e dissimule un secret. Son mari se dĂ©sintĂ©resse d’elle, tandis que la soeur de ce dernier affiche une mine contrite et la traite comme une Ă©trangĂšre. Alors qu’elle tremble Ă  l’idĂ©e d’ĂȘtre condamnĂ©e Ă  mener une vie d’oisivetĂ©, Johannes Brandt, son Ă©poux tente de l’Ă©veiller en lui offrant un cadeau singulier. Une reproduction exacte de leur maison Ă  Ă©chelle rĂ©duite. Pour meubler sa maison de poupĂ©e, Nella s’adresse Ă  une miniaturiste. La premiĂšre commande passĂ©e, les objets continuent d’affluer sans que Nella n’en ait formulĂ© le souhait. Le choix de chaque objet atteste d’une observation fine du foyer. Ils sont autant de fragments rĂ©vĂ©lateurs d’une existence d’Ă©pouse Ă  peine entamĂ©e. Comme ce berceau miniature, alors que son Ă©poux se refuse Ă  la toucher. Rien ne semble Ă©chapper Ă  l’oeil scrutateur de la miniaturiste qui, avec une mĂ©ticulositĂ© qui confine Ă  l’obsession, reproduit en format rĂ©duit le dĂ©cor dans lequel Ă©volue Nella. Qui est donc cette femme dont on ne connaĂźt pas l’identitĂ© et qui s’amuse Ă  pĂ©nĂ©trer son intimitĂ© ? À l’instar des poupĂ©es russes, les habitants voient leurs secrets dĂ©voilĂ©s, les couches de leur existence pelĂ©es une Ă  une, les rapprochant un peu plus de l’indicible vĂ©ritĂ©. Jessie Burton construit un monde miniature plus vrai que nature. L’atmosphĂšre gothique tend Ă  renforcer le mystĂšre. Le destin des habitants se trouve entre les mains d’un ĂȘtre Ă©nigmatique qui semble Ă©prouver un plaisir sadique Ă  agir dans l’ombre, leur donnant l’impression d’ĂȘtre des poupĂ©es de chiffon. Jessie Burton brouille la frontiĂšre entre le rĂ©el et l’imaginaire et signe une Ɠuvre romanesque Ă©tourdissante.

Une romanciĂšre hors pair

Rare sont les romanciers qui parviennent Ă  tisser une intrigue d’une maniĂšre si fine. D’autant que Miniaturiste est un premier roman. Tout comme dans son second roman, Les filles au lion, que j’avais beaucoup aimĂ©, Jessie Burton brouille le rĂ©el et laisse entrer une part de surnaturel. Le roman Ă©volue Ă  la lisĂšre du fantastique, tout en conservant un lien tĂ©nu avec la rĂ©alitĂ© historique. Savant mĂ©lange qui contribue Ă  envoĂ»ter le lecteur. L’une des forces du roman est la dextĂ©ritĂ© avec laquelle Jessie Burton reproduit l’ambiance propre Ă  une Ă©poque. Lorsque Amsterdam Ă©tait la capitale marchande de l’Europe, que les rues grouillaient d’une agitation permanente, que les mƓurs Ă©taient aussi strictes que l’enrichissement Ă©tait une bĂ©nĂ©diction. L’intrigue se situe Ă  une pĂ©riode historique charniĂšre. Celle de la fin du siĂšcle d’or nĂ©erlandais, du dĂ©clin d’une citĂ© marchande rayonnante Ă  la prospĂ©ritĂ© vacillante. Miniaturiste est le rĂ©sultat d’un travail de fourmis. D’une collecte d’informations consĂ©quente pour que soit retranscris avec une telle prĂ©cision cette sensation de luxe Ă  profusion. Au-delĂ  de la richesse des descriptions, c’est surtout la finesse de l’analyse psychologique qui impressionne. Que ce soit le mystĂšre qui entoure la miniaturiste, ou l’attitude Ă©quivoque de Marin, la sƓur de Johannes, chaque personnage mĂ©rite toute notre attention.

Conclusion

Miniaturiste est un des meilleurs romans que j’ai lu cette annĂ©e ! Jessie Burton figure dans ma liste des auteurs Ă  suivre de prĂšs. Si vous ne l’avez pas encore lu, filez vite vous le procurer. Je vous le promets, vous ne serez pas déçus. 😉

4 Comments

  • Reply CĂ©line 27 janvier 2019 at 16 h 12 min

    Un grand MERCI pour cette dĂ©couverte !! J’ai adorĂ© le livre, vraiment. J’ai enchaĂźnĂ© avec « Les filles au lion », le second roman de Jessie Burton, que j’ai autant aimĂ©. C’est si agrĂ©able d’autant accrocher Ă  une lecture 🙂
    Mon libraire m’a conseillĂ© « 100 ans de solitude » de Gabriel Garcia Marquez et « Le cƓur cousu » de Carole Martinez pour rester dans le mĂȘme registre.
    Bonne journée,
    Céline

  • Reply Books'nJoy 27 janvier 2019 at 18 h 27 min

    Je suis super contente que tu aies aimĂ© ce roman. « Miniaturiste » est un de mes gros coups de cƓur de l’annĂ©e ! Je l’ai encore plus apprĂ©ciĂ© que « Les filles au lion »…
    Je n’ai pas encore lu « Cent ans de solitude », mais il fait partie des livres qu’il faut absolument que je lise. Carole Martinez est une des auteures que j’apprĂ©cie le plus. D’ailleurs tu trouveras en ligne ma chronique concernant « Le domaine des murmures » 😉 J’espĂšre qu’elle te donnera envie de dĂ©couvrir la trĂšs belle plume de l’auteure 😀
    Belle journée,
    Books’nJoy

  • Reply HĂ©lĂšne 27 fĂ©vrier 2019 at 12 h 10 min

    J’ai adorĂ© ce roman aussi !

    • Reply Books'nJoy 3 mars 2019 at 21 h 25 min

      Gros gros coup de cƓur, une petite merveille 😉

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