Nella est une jeune femme d’Ă peine dix-huit ans, l’esprit encore embuĂ© des fantasmes de l’enfance, lorsqu’elle rejoint Ă Amsterdam l’homme qu’elle vient d’Ă©pouser. Elle, qui s’imagine mener une vie d’Ă©pouse Ă©panouie au bras d’un riche marchand, dĂ©chante rapidement. L’accueil, qui lui est fait, est annonciateur du peu d’intĂ©rĂȘt qui lui sera portĂ©. Elle est traitĂ©e comme une intruse dans cette maison, oĂč chaque porte fermĂ©e dissimule un secret. Son mari se dĂ©sintĂ©resse d’elle, tandis que la soeur de ce dernier affiche une mine contrite et la traite comme une Ă©trangĂšre. Alors quâelle tremble Ă lâidĂ©e dâĂȘtre condamnĂ©e Ă mener une vie d’oisivetĂ©, Johannes Brandt, son Ă©poux tente de l’Ă©veiller en lui offrant un cadeau singulier. Une reproduction exacte de leur maison Ă Ă©chelle rĂ©duite. Pour meubler sa maison de poupĂ©e, Nella s’adresse Ă une miniaturiste. La premiĂšre commande passĂ©e, les objets continuent d’affluer sans que Nella n’en ait formulĂ© le souhait. Le choix de chaque objet atteste dâune observation fine du foyer. Ils sont autant de fragments rĂ©vĂ©lateurs d’une existence d’Ă©pouse Ă peine entamĂ©e. Comme ce berceau miniature, alors que son Ă©poux se refuse Ă la toucher. Rien ne semble Ă©chapper Ă l’oeil scrutateur de la miniaturiste qui, avec une mĂ©ticulositĂ© qui confine Ă l’obsession, reproduit en format rĂ©duit le dĂ©cor dans lequel Ă©volue Nella. Qui est donc cette femme dont on ne connaĂźt pas l’identitĂ© et qui s’amuse Ă pĂ©nĂ©trer son intimitĂ© ? Ă l’instar des poupĂ©es russes, les habitants voient leurs secrets dĂ©voilĂ©s, les couches de leur existence pelĂ©es une Ă une, les rapprochant un peu plus de l’indicible vĂ©ritĂ©. Jessie Burton construit un monde miniature plus vrai que nature. LâatmosphĂšre gothique tend Ă renforcer le mystĂšre. Le destin des habitants se trouve entre les mains d’un ĂȘtre Ă©nigmatique qui semble Ă©prouver un plaisir sadique Ă agir dans l’ombre, leur donnant l’impression d’ĂȘtre des poupĂ©es de chiffon. Jessie Burton brouille la frontiĂšre entre le rĂ©el et l’imaginaire et signe une Ćuvre romanesque Ă©tourdissante.
Une romanciĂšre hors pair
Rare sont les romanciers qui parviennent Ă tisser une intrigue d’une maniĂšre si fine. D’autant que Miniaturiste est un premier roman. Tout comme dans son second roman, Les filles au lion, que j’avais beaucoup aimĂ©, Jessie Burton brouille le rĂ©el et laisse entrer une part de surnaturel. Le roman Ă©volue Ă la lisĂšre du fantastique, tout en conservant un lien tĂ©nu avec la rĂ©alitĂ© historique. Savant mĂ©lange qui contribue Ă envoĂ»ter le lecteur. L’une des forces du roman est la dextĂ©ritĂ© avec laquelle Jessie Burton reproduit l’ambiance propre Ă une Ă©poque. Lorsque Amsterdam Ă©tait la capitale marchande de l’Europe, que les rues grouillaient d’une agitation permanente, que les mĆurs Ă©taient aussi strictes que l’enrichissement Ă©tait une bĂ©nĂ©diction. L’intrigue se situe Ă une pĂ©riode historique charniĂšre. Celle de la fin du siĂšcle d’or nĂ©erlandais, du dĂ©clin d’une citĂ© marchande rayonnante Ă la prospĂ©ritĂ© vacillante. Miniaturiste est le rĂ©sultat d’un travail de fourmis. D’une collecte d’informations consĂ©quente pour que soit retranscris avec une telle prĂ©cision cette sensation de luxe Ă profusion. Au-delĂ de la richesse des descriptions, c’est surtout la finesse de l’analyse psychologique qui impressionne. Que ce soit le mystĂšre qui entoure la miniaturiste, ou l’attitude Ă©quivoque de Marin, la sĆur de Johannes, chaque personnage mĂ©rite toute notre attention.
Conclusion
Miniaturiste est un des meilleurs romans que j’ai lu cette annĂ©e ! Jessie Burton figure dans ma liste des auteurs Ă suivre de prĂšs. Si vous ne l’avez pas encore lu, filez vite vous le procurer. Je vous le promets, vous ne serez pas déçus. đ
4 Comments
Un grand MERCI pour cette dĂ©couverte !! Jâai adorĂ© le livre, vraiment. Jâai enchaĂźnĂ© avec « Les filles au lion », le second roman de Jessie Burton, que jâai autant aimĂ©. Câest si agrĂ©able dâautant accrocher Ă une lecture đ
Mon libraire mâa conseillĂ© « 100 ans de solitude » de Gabriel Garcia Marquez et « Le cĆur cousu » de Carole Martinez pour rester dans le mĂȘme registre.
Bonne journée,
Céline
Je suis super contente que tu aies aimĂ© ce roman. « Miniaturiste » est un de mes gros coups de cĆur de l’annĂ©e ! Je l’ai encore plus apprĂ©ciĂ© que « Les filles au lion »…
Je n’ai pas encore lu « Cent ans de solitude », mais il fait partie des livres qu’il faut absolument que je lise. Carole Martinez est une des auteures que j’apprĂ©cie le plus. D’ailleurs tu trouveras en ligne ma chronique concernant « Le domaine des murmures » đ J’espĂšre qu’elle te donnera envie de dĂ©couvrir la trĂšs belle plume de l’auteure đ
Belle journée,
Books’nJoy
J’ai adorĂ© ce roman aussi !
Gros gros coup de cĆur, une petite merveille đ