LITTÉRATURE FRANÇAISE

Maikan, Michel Jean : « tuer l’Indien dans l’enfant »

24 novembre 2021

« Ils nous traitent de sauvages, mais eux, ce sont des bêtes. » Les sauvages, ce sont les tribus de chasseurs nomades, les Amérindiens et premiers occupants du territoire américain : les Inuits, Innus, Abénaquis Atikamekw, Micmacs, Algonquins, Cris, Hurons-Wendats,  Mohawks… Les bêtes, ce sont les missionnaires catholiques qui, au nom de la modernisation, ont activement participé au XXe siècle, à déraciner et étouffer un peuple riche d’une culture ancestrale. Entrelaçant son histoire familiale – des membres de sa famille ayant fréquenté l’internat de Fort George, et un pan sombre de l’histoire canadienne, Michel Jean évoque l’endoctrinement et la tentative d’assimilation forcée des populations autochtones par le gouvernement. Qualifié aujourd’hui de « génocide culturel », le processus d’intégration consistait à retirer les enfants autochtones à leurs parents pour « tuer l’Indien dans l’enfant ». Couper court au processus de transmission par le biais de l’évangélisation. Courant sur une double temporalité : 1936 et 2013, Maikan de Michel Jean embrasse le destin de trois enfants : Virginie, Marie et Charles, ainsi que celui d’Audrey Duval, une avocate ayant accepté de défendre gracieusement les survivants en vue de leur faire bénéficier de l’indemnisation censée les dédommager des mauvais traitements infligés. Tout comme 150 000 enfants autochtones, Marie et Virginie ont été arrachées par des missionnaires à leur famille. Parquées dans des camions, elles sont dépossédées de leur nom, qu’un matricule vient remplacer. Sévices sexuels, viols, humiliations, punitions…le quotidien à l’internat de Fort George, situé à l’extrême Nord-Ouest du pays, sur l’île de la Baie James, s’apparente davantage à une maison de correction ou à un établissement pénitentiaire, qu’à une institution scolaire. Si les fils de la narration sont visibles et l’intrigue expédiée, ce texte a le mérite de souligner la difficile mise en œuvre des programmes de réhabilitation. Aucune compensation n’étant à même de réparer des vies saccagées par la colonisation. Les traditions et les rites forgent l’identité d’une communauté. Leur retirer, c’est les décimer.


Mon évaluation : 3/5

Date de parution : 2021. Grand format aux Éditions Dépaysage, 268 pages.


Idées de lecture…

booksnjoy-encabanee-gabrielle-filteau-chiba-nature-writing-feminisme-canada
booksnjoy-des-jours-sans-fin-sebastian-barry-western
booksnjoy-les-pionniers-ernest-haycox-western
booksnjoy-Des nouvelles du monde, Paulette Jiles - roman de l'été - western
booksnjoy-lorsque-dernier-arbre-michael-christie
booksnjoy-lonesome-dove-larry-mcmurtry-western-livre-ete
booksnjoy-au-loin-hernan-diaz-western-ouest americain

No Comments

Leave a Reply