Ma reine, est un premier roman coup de maĂźtre signĂ© Jean-Baptiste Andrea. En lice pour le Grand Prix des Lectrices de ELLE 2018, il sortira en librairie le 30 aoĂ»t 2017. Et je vous conseille dĂšs sa sortie de vous ruer en librairie, car bien que n’ayant pas lu tous les romans qui paraĂźtront Ă la rentrĂ©e 2017, je suis intimement persuadĂ©e qu’il fera partie des rĂ©vĂ©lations de cette rentrĂ©e littĂ©raire. Le magazine Livres Hebdo a publiĂ© le 30 juin dernier, le chiffre affolant de 581 livres Ă paraĂźtre entre la mi-aoĂ»t et la mi-octobre 2017 !! Ma reine, est une ode Ă la diffĂ©rence. Un jeune garçon, Shell, se sachant diffĂ©rent des autres et sous la menace d’un envoi dans un institut spĂ©cialisĂ©, dĂ©cide d’Ă©chapper Ă cette brutale rĂ©alitĂ©. Il entame alors, un voyage initiatique oĂč il fera la connaissance d’une jeune fille Viviane. Elle deviendra sa premiĂšre vĂ©ritable amie, mais Ă©galement sa reine. Jean-Baptiste Andrea nous livre un conte onirique et poĂ©tique d’une rare douceur. Il y aborde le sujet dĂ©licat de la diffĂ©rence et de la violence physique et morale subie dans l’enfance. Ce premier roman agit comme une claque, ouvert le matin, achevĂ© le soir-mĂȘme, je n’ai pas pu dĂ©crocher une seconde de ma lecture. Le lecteur est happĂ© par l’histoire de ces deux enfants, dĂ©jĂ meurtris par la vie, qui vont se lier d’amitiĂ© et tenter de se sauver en se crĂ©ant un monde imaginaire merveilleux. Un parallĂšle entre l’oeuvre d’Antoine de Saint-ExupĂ©ry, Le Petit Prince, et Ma reine de Jean-Baptiste Andrea peut ĂȘtre fait. Toutes deux abordent des notions telles que la candeur propre Ă l’enfance et le rĂŽle de l’imaginaire symbolique.
Résumé
VallĂ©e de l’Asse. Provence. ĂtĂ© 1965. Il vit dans une station-service avec ses vieux parents. Les voitures qui passent sont rares. Shell ne va plus Ă l’Ă©cole. Il est diffĂ©rent.
Un jour, il dĂ©cide d’aller de partir. Pour aller Ă la guerre et prouver qu’il est un homme. Mais sur le plateau qui surplombe la vallĂ©e, nulle guerre ne sĂ©vit. Seuls se dĂ©ploient le silence et les odeurs du maquis. Et une fille, comme un souffle, qui apparaĂźt devant lui. Avec elle, tout s’invente et l’impossible devient vrai. Il lui obĂ©it comme on se jette du haut d’une falaise. par amour. Par jeu. Et dĂ©sir d’absolu.
Ăditions de l’Iconoclaste
Un premier roman magistral et éblouissant
La premiĂšre et la derniĂšre phrase de Ma reine suggĂšrent au lecteur qu’il entre puis qu’il quitte un monde onirique oĂč la limite entre le rĂȘve et la rĂ©alitĂ© est floue et ne sera au cours du roman jamais vraiment levĂ©e. La premiĂšre phrase n’est pas sans rappeler le passage dans le roman de Lewis Carroll, Les Aventure d’Alice au pays des merveilles, oĂč Alice tombe dans le terrier du lapin. Ma reine s’ouvre et se clĂŽt sur cette chute qui encadre ainsi le rĂ©cit. J’ai supposĂ© que l’auteur nous invitait Ă entrer puis Ă quitter, une fois le conte arrivĂ© Ă sa fin, un monde imaginaire oĂč le rĂȘve prend le pas sur la rĂ©alitĂ©.
Je tombais, je tombais et j’avais oubliĂ© pourquoi. (1Ăšre phrase)
Il ne restait au vent qu’Ă souffler, Ă souffler jusqu’Ă m’effacer de cette histoire, si elle a existĂ©. (derniĂšre phrase)
Jean-Baptiste Andrea signe un roman extrĂȘmement poĂ©tique et Ă©mouvant sans jamais tomber dans le pathos. L’Ă©criture lyrique ne s’embarrasse pas d’effets de style inutiles, qui auraient alourdis le propos de l’auteur, et dĂ©crit une atmosphĂšre ouatĂ©e. Il maĂźtrise son sujet du dĂ©but Ă la fin. L’emploi du « je » renforce l’impression de rĂ©alitĂ©, on partage les Ă©motions et sentiments qui submergent le narrateur. Sentiment de frustration liĂ© au dĂ©calage entre lui et les autres mais Ă©galement l’ivresse qui accompagne la dĂ©couverte du sentiment d’amitiĂ©. On Ă©prouve de la tendresse face Ă la crĂ©dulitĂ© et Ă la candeur dont il fait preuve. Atteint d’un handicap dont on ne connaĂźt pas prĂ©cisĂ©ment la nature, le narrateur Ă©prouve des troubles de  l’Ă©locution et du langage. Sa relation avec les autres en est nĂ©cessairement affectĂ©e. Jean-Baptiste Andrea dĂ©crit avec virtuositĂ© les Ă©motions enfouies chez Shell qu’il ne parvient pas Ă exprimer oralement. Ce qui Ă l’Ă©tat de rĂ©flexions semble parfaitement limpide, se traduit par un grognement Ă l’oral, faute de pouvoir exprimer correctement le cheminement de sa pensĂ©e. Les mots, une fois exprimĂ©s Ă voix haute, ne s’emboĂźtent plus, perdent de leur cohĂ©rence. Cette incapacitĂ© Ă formuler correctement ses pensĂ©es frustre Shell, et l’empĂȘche de communiquer avec les garçons de son Ăąge. Seule Viviane, parviendra Ă crĂ©er un lien vĂ©ritable avec lui. Peut-ĂȘtre que l’auteur suggĂšre ici qu’il est plus simple pour deux ĂȘtres meurtris de se comprendre…
Il faut voir les choses comme ça, a dit mon pĂšre en me montrant la belle photo de l’Alfa Romeo Giulietta au-dessus de son bureau : je suis un peu  comme elle, mais avec un moteur de 2 CV dedans.
[…] je n’arrivais pas Ă dire quelque chose parce que ça prenait trop de place dans ma tĂȘte et que ça ne passait pas par ma bouche.
Ma reine, est un roman extrĂȘmement visuel. Les paysages s’impriment sur la rĂ©tine. L’auteur a su crĂ©er un dĂ©cor, une atmosphĂšre qui invitent le lecteur Ă se laisser emporter par les mots.
Elle avait couru, ça se voyait Ă ses joues rouges, j’avais envie de les frotter pour avoir ce rouge au bout des doigts, comme quand on effaçait un mot au tableau.
Jean-Baptiste Andrea aborde le sujet dĂ©licat de la violence subie dans l’enfance  Â
De par le simple fait qu’il est diffĂ©rent, Shell sera la proie des moqueries et insultes en tout genre. L’enfance est un Ăąge cruel, et la moindre diffĂ©rence lourdement punie. Il subira une mise Ă l’Ă©cart douloureuse de la part de ses camarades. Ses parents n’auront pas d’autre choix que de le dĂ©scolariser et de le faire travailler avec eux Ă la station-service. Cette violence dĂ©crite, Ă la fois physique, mais Ă©galement verbale est acceptĂ©e par Shell qui n’y voit que la consĂ©quence logique de ce qu’il est. Viviane, elle, est victime de violences physiques. Coups – sans que cela ne soit jamais concrĂštement formulĂ© – qui lui sont infligĂ©s par son pĂšre. Cela se traduit par une brutalitĂ© dans ses rapports humains et une colĂšre permanente. Son enfance meurtrie la pousse Ă se crĂ©er de toutes piĂšces un monde imaginaire qu’elle substitue Ă la rĂ©alitĂ©. Sa maison se transforme en chĂąteau féérique, l’ampoule en lustre en pierre de lune et elle de jeune fille violentĂ©e en reine du plateau et des montagnes. Jean-Baptiste Andrea choisit de sublimer la violence plutĂŽt que de la dĂ©crire crĂ»ment.
Conclusion
Ce roman a Ă©tĂ© pour moi une vĂ©ritable dĂ©couverte et une trĂšs belle surprise. Je partais assez sceptique, persuadĂ©e que le sujet n’allait pas me plaire. Mes apprĂ©hensions de dĂ©part ont Ă©tĂ© balayĂ©es dĂšs les premiĂšres pages, par l’Ă©criture feutrĂ©e tout en douceur de Jean-Baptiste Andrea, qui aborde la notion du handicap avec subtilitĂ©. Je sors de ce roman Ă©mue par le rĂ©cit de ce jeune garçon handicapĂ©, prĂȘt Ă tous les sacrifices pour ĂȘtre aimĂ© et ne pas ĂȘtre abandonnĂ©. Jean-Baptiste Andrea, avec ce premier ouvrage, frappe un grand coup, je croise les doigts pour qu’il soit rĂ©compensĂ© Ă la rentrĂ©e. Ce rĂ©cit plein d’audace est une petite merveille. đ
Ouvrages en lice pour le Grand Prix des Lectrices de ELLE 2018 jury de septembre :
Catégorie « Romans » :
- Summer, Monica Sabolo
- Ma reine, Jean-Baptiste Andrea
- Notre vie dans les forĂȘts, Marie Darrieussecq
Catégorie « Polars » :
- Inavouable, Zygmunt Miloszewski
- Le diable en personne, Peter Farris
Catégorie « Documents » :
- La tĂȘte et le cou, Maureen Demidoff
- Un jour, tu raconteras cette histoire, Joyce Maynard
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