Les Furies, en anglais « Fate and Furies » (Fortunes et Furies), a Ă©tĂ© Ă©lu meilleur roman de l’annĂ©e 2015 par Barack Obama. Il n’en fallait pas plus pour en faire un succĂšs planĂ©taire. Autant le dire tout de suite, je ne partage pas du tout l’avis gĂ©nĂ©ral concernant l’ouvrage de Lauren Groff. DĂ©crit comme subversif et corrosif, je le trouve pour tout dire passablement ennuyeux et long. MĂȘme trĂšs long pour ĂȘtre tout Ă fait honnĂȘte. Les critiques le prĂ©sentent comme une critique acerbe du mariage et de ses non-dits. Personnellement je ne comprends pas pourquoi ce roman a Ă©tĂ© Ă©crit. En le refermant j’ai juste Ă©tĂ© soulagĂ©e de l’avoir terminĂ©. Je suis restĂ©e totalement hermĂ©tique au livre. Lauren Groff avec Les Furies ne m’a communiquĂ©e aucune Ă©motion. La plume de l’auteur y est pour beaucoup puisque je la trouve saccadĂ©e, hachĂ©e, entrecoupĂ©e. Celle-ci marque une distance avec le lecteur. C’est toujours dĂ©licat d’Ă©mettre un avis nĂ©gatif sur un livre, puisqu’il est Ă©vident que d’une part je respecte le travail de l’auteur et d’autre part cet avis n’engage que moi. NĂ©anmoins, je vais tout de mĂȘme m’efforcer d’expliquer pourquoi j’ai Ă©tĂ© déçue par Les Furies de Lauren Groff, ouvrage pourtant extrĂȘmement prometteur sur le papier.
Résumé
« Le mariage est un tissu de mensonges. Gentils, pour la plupart. D’omissions. Si tu devais exprimer ce que tu penses au quotidien de ton conjoint, tu rĂ©duirais tout en miettes. Elle n’a jamais menti. Elle s’est contentĂ©e de ne pas en parler. »
Ils se rencontrent Ă l’universitĂ©. Ils se marient trĂšs vite. Nous sommes en 1991. Ă vingt-deux ans, Lotto et Mathilde sont beaux, sĂ©duisants, follement amoureux, et semblent promis Ă un avenir radieux. Dix ans plus tard, Lotto est devenu un dramaturge au succĂšs planĂ©taire, et Mathilde, dans l’ombre, l’a toujours soutenu. Le couple qu’ils forment est l’image-type d’un partenariat rĂ©ussi.
Mais les histoires d’amour parfaites cachent souvent des secrets qu’il vaudrait mieux taire. Au terme de ce roman, la vĂ©ritable raison d’ĂȘtre de ce couple sans accrocs rĂ©serve bien des surprises.
Ăditions de l’Olivier
La promesse d’un ouvrage subversif et puissant…
Les Furies dĂ©bute par la vision du jeune couple, rĂ©cemment mariĂ©, formĂ© par Lotto et Mathilde. Ils incarnent Ă eux deux tous les espoirs de la jeunesse. Totalement Ă©pris l’un de l’autre, il Ă©mane de leur couple une Ă©vidence et une grande vitalitĂ©. L’auteur dĂšs le premier chapitre a des mots trĂšs beaux :
Entre leurs deux peaux, le plus fin des espaces, Ă peine assez pour l’air, pour ce voile de sueur qui Ă prĂ©sent refroidissait. Et pourtant, un troisiĂšme personnage, leur couple, s’y Ă©tait glissĂ©.
Cette remarque pertinente de Lauren Groff sur la place que prend le couple dans le couple m’a fait penser Ă mes cours de mathĂ©matiques en classes prĂ©paratoires. En effet, la notion d’intersection – et non pas d’union – permet d’apprĂ©hender cette troisiĂšme entitĂ© du couple. La distinction est on ne peut plus simple : l’intersection, c’est ce qu’il y a en commun, l’union la totalitĂ© ! L’intersection entre Lotto et Mathilde, soit cette troisiĂšme entitĂ© « le couple », recoupe tout ce que chacun d’eux souhaite montrer Ă l’autre. Cela revient Ă tracer deux cercles et Ă ne prendre que ce que les cercles ont en commun. Il advient alors que tout ce qui est propre Ă chacun en dehors de cette intersection et qui reste donc cachĂ© Ă l’autre, n’est absolument pas visible au sein du couple. Et c’est cette partie immergĂ©e qui intĂ©resse Lauren Groff. Ces non-dits, cachotteries, mensonges, secrets… Ces zones d’ombre du mariage qui Ă©chappent aux annĂ©es. L’ouvrage semble prometteur, nous allons dĂ©couvrir les dessous psychologiques d’un couple. La maniĂšre qu’Ă chacun de percevoir les Ă©vĂ©nements et d’en tirer des conclusions sur lesquels il bĂątira l’image mĂȘme de son couple. J’aurais aimĂ© voir ce sujet rĂ©ellement traitĂ©, le couple dĂ©cortiquĂ©, mis Ă nu afin d’observer chacun des rouages de cette mĂ©canique qu’est le couple. Mais comme vous vous en doutez, vu mon manque d’enthousiasme en introduction, Les Furies fut une lecture toute autre.
…qui s’est avĂ©rĂ© plutĂŽt ennuyeuxÂ
Le titre anglais « Fate and Furies » (Fortunes et Furies) prĂ©figure le dĂ©coupage narratif du roman Les Furies en francais. La premiĂšre partie, consacrĂ©e Ă la vision du mari, retrace le parcours aurĂ©olĂ© de succĂšs de Lotto devenu un Ă©minent dramaturge aprĂšs avoir Ă©chouĂ© en tant que comĂ©dien. Lotto qui ne s’est jamais remis du dĂ©cĂšs prĂ©maturĂ© de son pĂšre, a des comportements enfantins, se montre Ă©gocentrique et Ă la limite de la misogynie. Mathilde consacrera une grande partie de sa vie Ă le materner. Avant que celui-ci ne trouve sa voie, la discrĂšte et parfaite Mathilde sera en charge de leur situation financiĂšre. Elle portera leur couple Ă bout de bras. La chance tournera un soir oĂč, aprĂšs avoir trop bu, Lotto lancera le premier jet d’une piĂšce de théùtre. Lue par Mathilde, celle-ci dĂ©tectera immĂ©diatement le potentiel de l’Ă©crit providentiel et poussera son mari Ă devenir dramaturge. Ă partir de lĂ , se succĂ©deront de nombreuses piĂšces. Mathilde restera dans l’ombre de son mari, indispensable Ă son bien-ĂȘtre et occupant la place de soutien indĂ©fectible. Se pose la question particuliĂšrement intĂ©ressante de la place qu’occupe la femme d’un gĂ©nie. Quel rĂŽle joue dans le couple la femme d’un grand homme ? Mais lĂ Ă©galement, je ne trouve pas clair le point de vue de l’auteur. La premiĂšre partie est longue, j’attendais avec impatience le retournement promis Ă la seconde partie. Je m’Ă©tais figurĂ©e une volteface Ă la Gone Girl. J’ai Ă©tĂ© plus que déçue. La deuxiĂšme partie qui s’ouvre sur Mathilde devenue veuve, est certes plus dĂ©routante que la premiĂšre mais je n’ai pas rĂ©ellement Ă©tĂ© prise de cours. La fidĂšle Ă©pouse ayant Ă©voluĂ© pendant une vingtaine d’annĂ©es dans le sillage de son mari, se retrouve esseulĂ©e. On dĂ©couvre alors ses petits secrets, ses origines, son parcours avant sa rencontre avec Lotto et leur mariage Ă©clair. Se posent les questions suivantes : Sait-on vĂ©ritablement avec qui l’on fait sa vie ? Est-il possible de passer sa vie auprĂšs d’un inconnu dont les secrets les plus intimes restent perpĂ©tuellement tus et enfouis ? Cette partie, contrairement Ă la premiĂšre, est bien plus intĂ©ressante. Cela s’explique tout simplement par la plus grande complexitĂ© psychologique qu’offre le personnage de Mathilde. D’une plus grande profondeur que Lotto, cela se ressent dans la partie qui lui est consacrĂ©e. J’ai commencĂ© Ă apprĂ©cier l’ouvrage Ă partir de la page 300…
De l’enthousiasme Ă la dĂ©ception : une Ă©criture saccadĂ©e
J’accorde Ă©normĂ©ment d’importance Ă l’Ă©criture de l’auteur quand je me plonge dans un ouvrage. Celle-ci peut tout Ă fait compenser une intrigue sans beaucoup d’intĂ©rĂȘt ou des personnages antipathiques. Or lĂ le problĂšme est l’Ă©criture elle-mĂȘme. C’est mĂȘme le gros point faible, je trouve, du roman. L’Ă©criture est hachĂ©e, il faut souvent revenir en arriĂšre pour dĂ©celer la connexion logique entre deux phrases ou deux paragraphes. J’ai Ă©galement dĂ» Ă plusieurs reprises relire une phrase dont le sens m’avait Ă©chappĂ© et Ă©tait peu clair. Il m’est mĂȘme arrivĂ© d’abandonner la lecture d’un paragraphe qui semblait tomber du ciel et avoir Ă©tĂ© placĂ© au petit bonheur la chance dans le texte. Je me rends compte que je suis assez dure dans ma critique mais ayant lu les 427 pages du roman, je considĂšre que j’ai un peu le droit de donner mon avis. đ Roman traduit de l’anglais, le manque de fluiditĂ© est peut-ĂȘtre Ă mettre sur le dos de la traduction.
Conclusion
Si je fais abstraction de la fin du roman, cet ouvrage s’est avĂ©rĂ© plus dĂ©cevant que je ne l’imaginais. AprĂšs tant d’Ă©loges je m’attendais Ă un rĂ©cit d’une autre envergure. Les 100 derniĂšres pages peinent Ă compenser le restant du livre Les Furies de Lauren Groff. Dont mĂȘme le titre sonne faux, exagĂ©rĂ©. J’ai conscience de l’engouement pour ce roman donc je ne me permettrais pas de vous dĂ©conseiller de le lire peut-ĂȘtre dĂ©cĂšlerez vous ce que je n’ai pas rĂ©ussi Ă voir, qui sait ? đ
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