« Est-ce qu’on peut vivre sans amour ? » La vie devant soi de Romain Gary – écrit sous le pseudonyme d’Émile Ajar et lauréat du Prix Goncourt 1975 – s’ouvre et se clôt sur cette interrogation de Momo. C’est à cette question, qui sert de fil rouge au roman, que Romain Gary répond. Écrit à hauteur d’enfant, ce roman d’une tendresse infinie est une très belle histoire d’amour entre Momo, un jeune garçon de quatorze ans, musulman et orphelin, et Madame Rosa, une vieille juive de quatre-vingt-quinze kilos rescapée d’Auschwitz qui, après avoir s’être « défendue » en « donnant son cul » jusqu’à l’âge de cinquante ans, s’est retirée du métier et reconvertie dans la garde d’enfants. Au cœur du quartier de Belleville, Madame Rosa habite au sixième étage d’un immeuble sans ascenseur. Des enfants de prostituées elle en a vu défiler, mais de tous Momo est son préféré. La vie devant soi, c’est le dernier voyage que va faire ce couple dépareillé. Madame Rosa accuse les années. De plus en plus sénile, elle refuse catégoriquement d’être hospitalisée et que Momo soit confié à l’Assistance publique. Alors, invoquant « le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », Momo va l’aider à parcourir la fin du chemin. À rejoindre son « trou juif », une cachette aménagée au cas où les Allemands auraient décidé de la renvoyer là d’où « elle n’est jamais revenue ». D’ailleurs, pour parer à toute éventualité Madame Rosa est équipée : faux papiers en règle et formulaires d’adoption qui tiennent sur des bouts de papier. À travers les yeux d’un enfant sensible et précoce en quête d’attention, d’une vieille femme marquée par la vie à qui il ne reste plus beaucoup de temps, ainsi que d’une foule de personnages écorchés vifs et attachants, Romain Gary nous prouve que faire preuve d’humanité est encore la meilleure manière de soulager la vie de ceux qu’elle n’a pas gâtés. Drôle et tragique à la fois, La vie devant soi est un concentré d’émotions. Un roman, à lire régulièrement, dont les derniers mots à valeur d’injonction résonnent longtemps : « il faut aimer ».
– Lorsqu’on s’occupe des enfants, il faut beaucoup d’anxiété, docteur, sans ça ils deviennent des voyous.
C’est toujours dans les yeux que les gens sont les plus tristes.
Madame Rosa gardait un grand portrait de Monsieur Hitler sous son lit et quand elle était malheureuse et ne savait plus à quel saint se vouer, elle sortait le portrait, le regardait et elle se sentait tout de suite mieux, ça faisait quand même un gros souci de moins.
Les gens tiennent à la vie plus qu’à n’importe quoi, c’est même marrant quand on pense à toutes les belles choses qu’il y a dans le monde.
– C’est pas nécessaire d’avoir des raisons pour avoir peur, Momo.
Ça, j’ai jamais vraiment oublié, parce que c’est la chose la plus vraie que j’aie jamais entendue.
Moi ce qui m’a toujours paru bizarre, c’est que les larmes ont été prévues au programme. Ça veut dire qu’on a été prévu pour pleurer. Il fallait y penser. Il y a pas un constructeur qui se respecte qui aurait fait ça.
Monsieur Hamil est un grand homme, mais les circonstances ne lui ont pas permis de le devenir.
Je tiens pas tellement à être heureux, je préfère encore la vie.
« Tu est jeune, tu as toute la vie devant toi. »
ADAPTÉ AU CINÉMACLASSIQUE– Merde, merde, merde, les Juifs pleurent toujours entre eux, Madame Rosa, vous devriez le savoir. On leur a même fait un mur pour ça. Merde.
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