Ma dévotion de Julia Kerninon, un titre puissant pour un roman éblouissant. Dévouer sa vie à l’autre, ce n’est pas seulement la lui consacrer, cela implique de la lui sacrifier, de mettre sa propre existence en suspens pour servir de catalyseur, d’être le moteur de son bonheur, d’accepter pour que l’autre s’accomplisse de ne vivre sa vie qu’à demi. En somme, d’être un moyen plus qu’une fin. Lorsque Helen croise Franck après vingt-trois ans d’absence, les souvenirs de leur vie à deux affluent. Au crépuscule de sa vie, elle dresse le bilan. Loin d’être amère, Helen n’est est pas moins lucide et évoque sans l’édulcorer le rôle qu’elle a joué. Ma dévotion est sa confession. Des mots adressés au seul homme qu’elle a aimé, couvé, admiré, encouragé, rassuré, pour qui elle a accepté de s’effacer, s’attelant en coulisse à prévenir ses moindres désirs, à assurer l’intendance, à organiser leur vie domestique, pour qu’il puisse se consacrer pleinement à son art, dans lequel il finira par exceller. Puisque Franck est doué pour le bonheur. Il a ce don inné. Il est solaire, doté d’un charme magnétique et, lorsque des années après avoir végété, quand Helen de son côté travaille d’arrache-pied, il se met à la peinture, la magie opère. La découverte prend la forme d’une révélation. Autour tout se brouille. Peindre requiert toute son attention. Helen est reléguée au second plan. Comme une pièce inamovible que rien ne saurait remplacer et sans laquelle le mécanisme cesserait de fonctionner. Celle à qui il doit son ascension, qui l’aime en silence, attend son heure pour se déclarer, ne parvenant peut-être plus très bien, après tant d’années à espérer, à démêler de ce qui tient de l’amour ou de l’amitié. De la tendresse ou du désir. De la passion ou de la soumission. Puis survient l’explosion. À trop étouffer ses sentiments, ils finissent par nous submerger. Julia Kerninon nous raconte l’amour de toute une vie. Une femme qui a fait le choix de s’éclipser pour laisser briller l’homme qu’elle vénérait. Magnifique !
AMOURMa dévotion, Julia Kerninon : le sacrifice d’une vie

Qu'en pensez-vous ?