D’après une histoire vraie signé Delphine de Vigan, a rencontré dès sa sortie une très grande notoriété et a fait l’objet de moult débats visant à éclaircir le mystère qui plane sur ce roman. Il brouille sans cesse les frontières entre la fiction et le réel. Delphine de Vigan relate t-elle son expérience personnelle ? Ou avons-nous à faire à une fiction ? Elle entretient avec brio le flou qui entoure cette oeuvre et se plaît à brouiller les pistes. Encore aujourd’hui, le mystère reste entier. Elle joue avec la limite poreuse entre l’imaginaire et le réel. Puisqu’elle met en scène un écrivain souffrant du syndrome de la page blanche après la consécration de son dernier roman, ce qui n’est pas sans rappeler ce qu’a vécu Delphine de Vigan après la parution de Rien ne s’oppose à la nuit. Elle pose cette question fondamentale en littérature : la force d’une roman réside-elle dans le lien qu’il entretien avec le réel ? A t-il plus de valeur s’il est basé sur des faits réels ? Delphine de Vigan critique cette engouement pour les romans marqués du sceau « histoire vécue », « basé sur des faits réels », qui seraient gage de qualité et donneraient toute sa légitimité à l’oeuvre. Si on regarde un peu en arrière dans l’histoire de la littérature, Madame Bovary n’a pas eu besoin d’exister pour que Flaubert en fasse le personnage principal de son chef d’oeuvre. De même, pour Julien Sorel du Rouge et le Noir ou de Georges Duroy du roman de Maupassant, Bel-Ami… Pourtant ces personnages ont marqué de manière indélébile la littérature. Je trouve la question au fondement du roman de Delphine de Vigan excellente et justifiée par la multiplication sur les étalages de romans dits vrais. Néanmoins, si je souligne la justesse du propos, la fluidité de l’écriture de l’auteure et sa capacité à faire mouche dans sa description des émotions, je dois préciser que mon avis est mitigé concernant ce livre puisque je trouve qu’il y a beaucoup de longueurs, de redondances… Il y a une réelle dualité dans cette oeuvre, puisque si le fond m’a enthousiasmée – par là, j’entends le propos de l’auteure, la forme m’a posée problème. D’après une histoire vraie, est un roman où, à la fois l’héroïne mais surtout le lecteur, sont manipulés. Qu’est-ce qui est vrai et qu’est-ce qui ne l’est pas, cette interrogation reste en suspens.
Résumé
« Encore aujourd’hui, il m’est difficile d’expliquer comment notre relation s’est développée si rapidement, et de quelle manière L. a pu, en l’espace de quelques mois, occuper une place dans ma vie. L. exerçait sur moi une véritable fascination. L. m’étonnait, m’amusait, m’intriguait. M’intimidait. […] L. exerçait sur moi une douce emprise, intime et troublante, dont j’ignorais la cause et la portée. »
Éditions JC Lattès & Le livre de Poche
D’après une histoire vraie a suscité de vives réactions
Delphine de Vigan dans d’Après une histoire vraie évoque la difficulté qu’elle – ou plutôt celle qui s’exprime à la première personne du singulier dans son roman et qui ressemble en tout point à l’auteure – a de se remettre à écrire après la publication de son précédent ouvrage. Dans son précédent roman, Rien ne s’oppose à la nuit, l’auteure avait choisi d’écrire sur sa mère. En faisant de celle-ci son personnage principal, en relatant sa bipolarité, ses crises de folie, la détresse d’une vie de famille déséquilibrée et la mort brutale de sa mère qui s’est suicidée, elle s’est à la fois attirée les éloges de la critique mais également les foudres de ses proches. En brisant la loi du silence, règle tacite qui entoure les secrets de famille, elle s’est exposée à la hargne de ceux qui se sont sentis menacés par ses révélations. On découvre notamment que Delphine de Vigan reçoit des lettres anonymes assassines d’une violence inouïe. L’effort fourni pour écrire cet ouvrage autobiographique lui a coupé le souffle. Incontestablement, il y a un avant et un après Rien ne s’oppose à la nuit. C’est cet après qu’on imagine relaté dans D’après une histoire vraie. Tout l’ouvrage repose sur la dualité entre la part de fiction et de réel dans un roman. Après sa publication, les journalistes et la presse se sont évertués à démêler le « vrai » du « faux », à obtenir une réponse de l’auteur. Delphine de Vigan est-elle le personnage principal de son roman ?
Un fond enthousiasmant…
Les thèmes abordés m’ont enchantée. Le syndrome de la page blanche après une consécration littéraire. L’impact psychologique du succès. Comment son dernier ouvrage a changé la manière que le public a d’appréhender son oeuvre. La disponibilité affective consécutive aux retombées de l’ouvrage et qui vont permettre à une tierce personne de s’immiscer dans sa vie. La question fondamentale qui est au coeur du roman, soit la question de l’authenticité d’une oeuvre. Tous ces sujets sont abordés avec finesse. Delphine de Vigan nous livre à la fois un thriller psychologique puissant et un ouvrage qui interroge les formes contemporaines de la littérature. D’ailleurs, D’après une histoire vraie commence fort puisque dès les premières lignes on entre dans le vif du sujet.
Je voudrais raconter comme L. est entrée dans ma vie, dans quelles circonstances, je voudrais décrire avec précision le contexte qui a permis à L. de pénétrer dans ma sphère privée et, avec patience, d’en prendre possession.
Delphine de Vigan en une phrase capte le lecteur, insuffle une certaine tension. J’ai lu peu de romans qui démarrent aussi fort. La phrase est percutante par sa sobriété. Au fil de la lecture, on comprend que cette femme énigmatique qui ne sera évoquée que sous l’appellation L., va étendre son emprise sur l’auteure. Qu’elle va faire le vide autour d’elle pour assoir son influence. Et pour cela, l’auteure lui offre un terrain propice, friable. La faille que certains événements ouvrent et dans laquelle on laisse l’autre s’engouffrer sans crier gare, est parfaitement exposée. On perçoit la dépendance affective et émotionnelle dans laquelle se trouve l’auteure. L. tel un buvard va absorber l’énergie, la personnalité de l’auteure et finir par prendre toute la place. Un place qui lui ait consentie par ailleurs.
…mais une forme décevante
Pour moi, ce roman présente un gros problème de rythme, de construction. Il se tire en longueur. Le débat qui oppose les deux femmes se répète inlassablement. Une fois aurait suffie pour comprendre la teneur du propos. Delphine de Vigan étire la narration, ce qui a pour effet d’atténuer la tension. Je trouve que ce procédé dessert le propos de l’auteure et atténue l’effet recherché. Le fil directeur n’est pas clairement visible, on finit par se perdre un peu dans la narration. Même si l’on anticipe une fin brutale, seule issue possible à cette histoire de manipulation psychologique, il y a de nombreuses digressions inutiles. Lorsqu’on ouvre ce roman, on s’attend à un thriller psychologique puissant, une narration en flux tendu, une plume alerte, vive et puissante. Je ne dis pas que ce n’est pas ce que j’ai lu, mais je dis par contre que la matière brute incroyable du roman aurait requis moins de longueurs et un rythme plus soutenu. Je m’attendais à un style narratif que l’on retrouve chez Leïla Slimani dans Chanson douce ou chez Mathieu Menegaux dans Je me suis tue ou Un fils parfait. Si j’ai été happée par le récit au cours des cent premières pages, j’ai lu le reste de l’ouvrage en diagonal.
Conclusion
D’après une histoire vraie, n’a pas été un coup de coeur même si j’ai pris du plaisir à lire cette histoire de manipulation psychologique, de flou entre ce qui relève de l’imaginaire et du réel. J’ai aimé me faire piéger par l’auteure et chercher les points de contact entre la vraie vie de l’auteure et de son personnage. Néanmoins, si vous n’avez jamais lu Delphine de Vigan, je vous conseille de lire en premier Rien ne s’oppose à la nuit, que je trouve plus abouti.
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