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Rue de la Sardine, John Steinbeck : l’enfer est pavé de bonnes intentions

« La Rue de la Sardine, à Monterey en Californie, c’est un poème ; c’est du vacarme, de la puanteur, de la routine, c’est une certaine irisation de la lumière, une vibration particulière, c’est de la nostalgie, c’est du rêve. » C’est une communauté éclectique, une mosaïque humaine composée d’un épicier chinois qui régulièrement se fait rouler, d’un groupe de soûlards au cœur tendre, d’une tenancière de bordel, de filles au caractère bien trempé prêtent à asséner un coup de talon à qui s’aventurerait d’un peu trop  près à les chauffer et d’un homme éclairé, présentant certaines similarités avec le lumineux Samuel Hamilton d’À l’est d’Éden. De cet écosystème joyeux, à l’équilibre précaire, se dégage un charme généreux, une chaleur humaine. Humanité, pour laquelle John Steinbeck n’a cessé de renouveler sa foi, livre après livre, à travers des personnages tiraillés, aux prises avec leurs vieux démons, mais que la fatalité ne parvient pas à briser. Leur appartenance à une communauté a cet effet salvateur de les aider à transcender leurs mauvais penchants récalcitrants. La cruauté côtoie la bonté, le vice, la vertu. La lutte entre le bien et le mal, clair-obscur présent en chacun de nous, est l’épine dorsale sur laquelle est bâti ce court roman. Un antagonisme propre à l’homme, dont l’immense écrivain américain a définitivement fait son sujet privilégié. Mais nul manichéisme, les personnages sont de chair, incarnés dans tout ce qu’ils ont de complexe et de nuancé. Et si les bonnes intentions ne parviennent pas toujours à être exaucées, elles ont le mérite d’avoir été formulées. Un livre tendre et généreux dans lequel il fait bon se plonger.


Ce qui m’a toujours frappé, c’est que les choses que nous admirons le plus dans l’humain : la bonté, la générosité, l’honnêteté, la droiture, la sensibilité et la compréhension, ne sont que des éléments de faillite, dans le système où nous vivons. Et les traits que nous détestons : la dureté, l’âpreté, la méchanceté, l’égoïsme, l’intérêt purement personnel sont les éléments mêmes du succès. L’homme admire les vertus des uns et chérit les actions des autres.


En face de l’ostracisme, il n’est que deux attitudes possibles : ou bien l’homme s’améliore et se purifie, ou il jette un défi au monde et se dégrade de plus en plus. En général, les parias choisissent le pire.


Mon évaluation : 3,5/5

PRIX NOBEL 1962

Date de parution : 1945. Collection Folio, de l’anglais (États-Unis) par Magdeleine Paz, 224 pages.


 

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À l’est d’Éden, John Steinbeck : une fresque familiale magistrale, une lutte acharnée entre le bien et le mal {#chefdœuvre}

« Puis Caïn s’éloigna de la face de l’Éternel et habita dans la terre de Nod, à l’est d’Éden. » Réécriture moderne du mythe biblique d’Abel et Caïn, À l’est d’Éden est le chef-d’œuvre de John Steinbeck. Une grande fresque familiale, où les destins de deux générations de frères s’entrecroisent pour tisser un roman d’une beauté absolue. Un condensé d’humanité, une lutte acharnée entre le bien et le mal, la grandeur et la décadence, le vice et la vertu. En bâtissant son roman autour du thème éternel de la rivalité fraternelle : Adam et Charles, puis Caleb et Aron les fils d’Adam, Steinbeck ausculte les forces à l’œuvre dans le cœur de l’homme, mélange de rancœur, d’amour et de jalousie. Une énergie aussi élévatrice que destructrice lorsque le sentiment de rejet se meut en cécité, attisant dans le cœur du frère laissé de côté le désir de se venger. Alors qu’Adam a souffert de se savoir préféré à son frère cadet, lorsque à son tour, il devient père, il reproduit instinctivement le schéma qu’il connaît. Le beau et doux Aron suscite d’emblée la sympathie, quand son frère reste en retrait, en proie à des sentiments ambivalents et violents. Malgré ses tentatives désespérées pour capter l’amour de son père, Caleb échoue misérablement. De là, s’instaure une relation déséquilibrée, qu’une énième tentative avortée suffira à faire basculer. Adam ne voit pas que ses fils sont rongés par un mal insondable qui les pousse à des extrémités pour se purifier. Puisque si la vérité sur leur mère ne leur a jamais été révélée – une âme damnée qui les a abandonnés pour se prostituer, Caleb et Aron ont un pressentiment. L’intuition que le mal est là, tapi, prêt à irriguer leur être et à les empoissonner. Dès lors, chacun va s’infliger un châtiment en espérant expier les péchés dont il a hérité. Dans cette saga gorgée d’humanité, Steinbeck fait irradier la beauté nichée en chaque être et récuse un quelconque déterminisme invalidant, en clôturant son roman par le terme hébreu Timshel : Tu peux. Le choix incombe à chacun de révéler cette beauté ou de l’étouffer. Un monument.


Ne comprenez-vous pas ? D’après la traduction de la Bible américaine, c’est un ordre qui est donné aux hommes de triompher sur le péché, que vous pouvez appeler ignorance. La traduction de King James avant son tu le domineras promet à l’homme qu’il triomphera sûrement du péché. Mais le mot hébreu, le mot timshel – tu peux – laisse le choix. C’est peut-être le mot le plus important du monde. Il signifie que la route est ouverte. La responsabilité incombe à l’homme, car si tu peux, il est vrai aussi que tu peux ne pas, comprenez-vous ?

– Tu peux dominer le péché, c’est cela. Je ne crois pas que tous les hommes soient détruits. Je puis en citer une douzaine qui ne le sont pas, et c’est d’eux que le monde tire sa substance. C’est vrai des cerveaux comme c’est vrai des batailles, on ne se rappelle que les vainqueurs. Il est vrai que la plupart des hommes sont détruits, mais il en est d’autres qui, comme des phares, guident l’humanité effrayée à travers la nuit. Tu peux. Tu peux. Quel rayonnement ! Il est vrai que nous sommes faibles et tarés et batailleurs, mais si nous n’étions que cela, nous aurions déjà disparu de la surface de la terre depuis des millénaires. Quelques fragments de maxillaire, quelques dents cassées enfouies dans la craie, voilà la seule trace que l’homme aurait laissée sur la surface du globe. Mais il y a le choix, Lee, le droit de vaincre. Je ne l’avais compris ou accepté auparavant. Voilà pourquoi j’ai parlé à Adam ce soir. Je lui ai offert le choix. Peut-être ai-je eu tort, mais en parlant je l’ai forcé à vivre ou à quitter la vie. Quel est donc ce mot, Lee ?

Timshel, dit Lee.


À l’est d’Éden est un roman qui a une résonance biblique très forte. Il est imprégné de références religieuses et est porté par la foi de Steinbeck à croire en la capacité de l’homme à se réinventer, à triompher du péché. Le péché, la rédemption, le pardon, le mal, le bien, le mensonge, la jalousie…sont les thèmes principaux du roman. La structure elle-même du récit, bâtie autour de deux générations de frères, est une transposition du mythe d’Abel et Caïn.

ATTENTION SPOILER

La culture de la terre : Caïn travaille la terre (Bible)

Charles – le demi-frère – d’Adam travaille la terre que son père lui a léguée // Caleb se lance dans la culture des haricots en temps de guerre pour dédommager son père ruiné, des suites d’une malencontreuse affaire commerciale qui a échoué.

Sentiment de rejet/d’exclusion : Dieu rejette l’offrande de Caïn, ce qui nourrit son désir de vengeance et le conduira à tuer Abel (Bible)

Cyrus préfère le chiot qu’Adam lui a offert et considère avec indifférence le couteau de Charles // Adam rejette l’argent gagné par Caleb pour compenser ses pertes

Le meurtre/fratricide : Caïn tue Abel (Bible)

Charles bat Adam violemment // Caleb dit la vérité à Aron sur leur mère, un choc qui conduira Aron à s’enrôler dans l’armée, où il sera tué.


Il y a des appétits au bonheur, disait Samuel, qu’un paradis entier ne satisferait pas.


Mon évaluation : 5/5

PRIX NOBEL 1962

Date de parution : 1952. Éditions du Livre de Poche, traduit de l’anglais (États-Unis) par J. C. Bonnardot, 640 pages.

Adapté au cinéma par Elia Kazan, avec James Dean (1955).


 

Du même auteur…

 


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Hamnet, Maggie O’Farrell : Shakespeare & le fils oublié magnifié

« C’est la règle commune : tout ce qui vit doit mourir, emporté par la nature dans l’éternité. » Cette réplique tirée d’Hamlet résonne différemment à la lecture du magnifique roman que Maggie O’Farrell consacre au fils de William Shakespeare, Hamnet, mort en 1596, à seulement onze ans. Puisque quatre ans après ce décès, Shakespeare – qui n’a jusqu’alors écrit que des comédies – signe sa première tragédie, et lui donne comme titre le prénom de son fils mort prématurément. Comment la postérité a-t-elle pu occulter un choix si éloquent ? Le poids de la filiation et la sacralisation de la relation père-fils dans ses pièces se lisent à l’aune du drame survenu dans l’intimité de l’écrivain. Alors que son fils est emporté par la peste bubonique – liberté que s’autorise la romancière irlandaise, alors qu’en réalité, la cause du décès n’est pas officiellement arrêtée, l’homme de théâtre est loin de sa famille, restée à Stratford dans le comté du Warwickshire. Celui qui deviendra le plus grand dramaturge de tous les temps joue avec sa troupe dans les théâtres londoniens – quand ses derniers ne sont pas fermés par les autorités pour endiguer l’épidémie de peste qui sévit – les pièces qu’il a composées, sillonne l’Angleterre ou écrit dans sa garçonnière. Pendant ce temps, sa femme seule avec ses deux filles s’éteint doucement, sombre dans la mélancolie et évolue à la lisière de la folie. Son extrême sensibilité au monde qui l’entoure et ses talents divinatoires l’ont trahie. Elle a failli à préserver sa famille. Alors que dans Hamlet, le père empoisonné revient sous la forme d’un spectre hanter son fils, à qui il demande de le venger, tuer le père et faire évoluer le fils sur scène, n’est-il pas une manière pour le dramaturge de ressusciter l’enfant qu’il n’a pas pu sauver ? De se racheter en échangeant leur place sur le papier, et ce pour l’éternité ? Un subterfuge qu’Hamnet a déjà utilisé pour sauver sa jumelle condamnée, et que Maggie O’Farrell éclaire subtilement dans une biographie romancée où le fils oublié est extirpé des limbes du passé et magnifié.


Note historique

Dans les années 1580, un couple qui habitait Henley Street, dans la ville de Stratford, eut trois enfants : Susanna, puis Hamnet et Judith, des jumeaux.
Le garçon, mourut en 1596, à l’âge de onze ans.
Quatre ans plus tard environ, son père écrivit une pièce de théâtre intitulée Hamlet.


« Il est mort et parti, madame,
Il est mort et parti ;
À sa tête une étendue de gazon vert ;
À ses talons une pierre. »

Hamlet, acte IV, scène 5

Il ne sait faire que cela : créer des histoires, des comédies. C’est ainsi qu’il avance. C’est ainsi, grâce à elles seules, qu’il peut oublier qui il est et ce qui s’est passé. Elles sont le refuge de son esprit (et une fois sur scène, personne d’autre que lui, ni les autres acteurs ni ses plus proches amis, ne sait que chaque soir, il guette, cherche dans la foule absorbée un visage, celui d’un garçon au sourire légèrement de biais, à l’air toujours surpris ; personne ne sait qu’il passe en revue ces gens, minutieusement, attentivement, car il ne peut toujours pas accepter que son fils soit parti ; son fils se trouve forcément quelque part ; la question est simplement de savoir où).

La magnitude, la profondeur du chagrin de sa femme exerce sur lui une attraction invincible, pareille à un violent courant duquel il ne doit pas s’approcher, car il l’aspirerait, le plongerait sous l’eau. Se tenir à distance est le seul moyen de survivre. S’il s’enfonçait sous la surface, il les entraînerait avec lui.


Mon évaluation : 4/5

Date de parution : 2021. Éditions Belfond, traduit de l’anglais (Irlande) par Sarah Tardy, 368 pages.

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L’Attente du soir, Tatiana Arfel : un plaidoyer pour les marginaux (#PremierRoman)

« J’étais déjà démolie depuis longtemps par cette vie sans regard. » L’Attente du soir, qui aurait tout aussi bien pu s’intituler l’attente d’un regard, est un premier roman polyphonique lumineux et travaillé, où trois marginaux vont se croiser et ainsi se sauver. Psychologue de formation, Tatiana Arfel a puisé dans son métier matière à brosser des portraits psychologiques fouillés, à ausculter la psyché d’êtres esseulés et à articuler des destins individuels, qui confrontés offrent des scènes d’une rare intensité. L’autrice fait de l’altérité le socle sur lequel devrait reposer une société et montre la difficulté de se construire sans extirper au préalable ce que notre inconscient a englouti pour nous protéger. Abandonné près d’un terrain vague quand il était enfant, le môme est un enfant sauvage, trouvant dans les poubelles de quoi s’alimenter, mais surtout de quoi dessiner. Cette fascination pour les couleurs : le jaune qui réchauffe le cœur, l’orange du soleil couchant ou le rouge sang, lui permet de fixer sur la toile un monde intérieur riche auquel personne n’a accès. Son art est un outil cathartique lui permettant d’exorciser les fantômes du passé pour peut-être un jour s’en libérer. Mlle B., elle, oscille entre folie douce et neurasthénie. Élevée dans une famille où l’absence d’égards et de regards ont fini par flouter les contours de son identité, c’est lorsqu’elle tombe enceinte accidentellement et qu’on lui retire son enfant que l’arrachement est tel qu’il entérine son effacement. Giacomo, quant à lui, est le directeur d’un cirque itinérant. Ce saltimbanque vieillissant, terrifié à l’idée que le « Sort » ne l’attrape avant qu’il n’ait transmis à autrui ce qu’une vie à côtoyer des âmes égarées lui a enseigné, sera le liant entre ces trois destins accidentés. Trois êtres en quête d’humanité qui finiront in fine par trouver dans le regard de l’autre le sens qui leur manquait, et par là une raison d’exister. L’Attente du soir est un plaidoyer d’une grande beauté en faveur de ceux que la vie a malmenés.

Avec des mots, je peux juste raconter : c’est peu pour faire comprendre l’absence qui m’engloutissait en lieu et place du regard qui fait vivre.

Ma mère ne m’a jamais punie injustement ni battue. Petite, je me disais qu’elle n’avait peut-être rien contre moi. Simplement, elle n’avait rien pour. Et pourtant, mère au foyer, c’est avec moi qu’elle devait passer tout son temps. J’entrais dans la course de ses préoccupations quotidiennes au même titre que les commissions, le ménage, l’argenterie, le repassage, mais avec un fort handicap dû à ma nature organique, c’est-à-dire bruyante, mobile, odorante.

Je pense que les émotions s’épuisent à force de ne pouvoir se dire.

Ça fait mal, mais pas de froid ou de faim. Ça brûle et ça pique mais on peut pas l’arrêter en mangeant ou dormant. Ça vient du dedans, il n’y a rien à faire. Le môme a peur. […] Le môme s’en retourne vers son abri, et s’assoit. Son cœur brûle plus fort que la veille, il tape dessus avec les poings pour que ça cesse. Il ne pleure pas, il ne sait pas qu’il faut pleureur quand on a de la peine. Alors il hurle comme le petit chien lui a montré. Il hurle et fait monter et descendre son hurlement. Il a tant hurlé que ses yeux piquent. Il s’endort avec sa poitrine lourde comme toutes les ferrailles de son abri réunies.


Mon évaluation : 4/5

Date de parution : 2009. Éditions José Corti, collection Les Massicotés, 340 pages.


 

Mes recommandations


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Deux remords de Claude Monet, Michel Bernard : peindre pour capter la fugacité de la vie et la fixer pour l’éternité

« On saurait ce que pouvait voir un homme du paysage du monde et comment, l’ayant saisi avec un pinceau et quelques tubes de couleur, il pouvait l’installer au milieu des autres hommes, beau et tremblant dans son cadre doré, longtemps et toujours vivant. » Toute sa vie, Claude Monet a été obsédé par l’idée de saisir l’instant fugace avant qu’il ne s’efface, de capter la lumière à l’instant précis où elle est perçue, avant que le passé n’engloutisse le présent, en la lui soustrayant. Cette quête désespérée d’immortalité consistant à fixer en les peignant les êtres et les choses pour l’éternité, Michel Bernard la restitue à la manière du peintre impressioniste, par touches successives, brossant le portrait d’un homme tourmenté, habité par ceux qu’il a aimés et qui l’ont prématurément quittés. Présences disparues rendues dans les jeux de couleur et de lumière des Nymphéas. Si ce cycle composé de 250 peintures représentant le jardin de Giverny et réalisé dans les dernières années de sa vie laisse éclater tout son talent, c’est que le peintre revisite et laisse affleurer sur la toile les fantômes de son passé. Après Frédéric Bazille, jeune bourgeois fortuné rencontré à l’atelier Gleyre et à la carrière soufflée par la guerre, c’est Camille, l’amour de sa vie, qui sera emportée par la maladie. Sa muse, celle qui par son « silence éponge l’inquiétude de son âme ». Dans cette biographie d’une délicatesse infinie, Michel Bernard choisit avec minutie le mot juste, celui qui restituera avec le plus de précision les sensations que procure une impression. Comme ce tableau de Camille, le visage cerclé d’une capeline rouge, saisie en plein hiver à travers la fenêtre de leur maison, Michel Bernard a choisi d’éclairer l’œuvre du peintre à travers le prisme des êtres qui ont marqué sa vie. Restituant avec poésie les ramifications invisibles que cache un tableau une fois fini, nous donnant à voir l’intention derrière la création.

Frédéric s’en était souvenu au moment d’opter pour les zouaves. Il avait fait comme Monet, et là-bas, était allé chercher, en même temps qu’un brevet de virilité, l’accroissement du patrimoine de l’œil.

La force, la cohésion et la jeunesse, deux battements de cœur après, la solitude et la détresse.

Le peintre l’avait soumise au jury sous le nom de Camille, le prénom du modèle. Il était tombé amoureux de la jeune fille en la peignant. […] C’est cela qu’il avait peint. Ces paupières battues, ce teint pâle, ce pli au coin de la bouche, ces lèvres légèrement gonflées, tout ce qui donnait cet air de dédaigneuse lassitude à la jeune femme avait été peint au matin de leur première nuit. Elle et lui savaient et ne voyaient que cela. […] Pour eux, il n’y avait d’autre mystère dans ce chef-d’œuvre de quatre jours que la rayonnante puissance d’une passion neuve.

Les jambes étendues sur le canapé, le livre à la main, ses doigts marquant la page dont elle venait d’interrompre la lecture, elle regardait par la fenêtre. Que regardait-elle ? Rien, sans doute, que les paysages intérieurs ranimés par des phrases imprimées.

Ses gestes cherchaient moins l’efficacité qu’un rapport harmonieux aux choses. Elle était vêtue avec élégance et l’on se disait que cette femme de peintre avait appris à son mari l’art des couleurs et des formes. Son intuition du monde, Monet sur bien des points, la devait à Camille.

À trente ans, ils goûtaient, dans sa jeunesse, le plaisir d’une nostalgie commune que le souvenir de Frédéric veinait de tristesse.

Le jour entrait dans la maison et le jardin dans ses yeux.

Monet n’avait de richesse qu’un talent moqué et la beauté de sa femme.

Superbes zeugmas qui illustrent la finesse de la plume de Michel Bernard, alliant concision et précision du trait.

Une autre dimension des choses vivantes lui apparaissait qu’il n’aurait pas su voir quand il était jeune. Elle était supérieure, il le sentait, parce qu’elle lui apportait une certaine sérénité dans la contemplation. Il avait fallu la longue préparation d’une vie pour l’atteindre et le comprendre. Il y a vingt ans, il avait deviné que quelque chose était là, qui l’attendait, mais c’était encore trop tôt. Impatient, tumultueux et désordonné, il s’était prématurément jeté à la conquête de ce qu’il fallait encore attendre. Maintenant, devant ses yeux usés, un monde intermédiaire s’ouvrait, neuf pour lui et vieux comme la Création.

Les nénuphars du jardin de Giverny peints par Monet, marquent un tournant dans son œuvre. Une forme d’achèvement, de climax de son talent. Ce sont les âmes de ceux qui l’ont quittés qui sont représentées. Avant de s’atteler à ce travail pharaonique, Monet a laissé longtemps infuser ses impressions.

La vie semblait monter d’une profondeur invisible, de dessous la toile. Les choses présentes devant lui, par une mystérieuse vibration de la vie, de leur souffle humide avaient fait lever une buée de couleurs.

L’hiver était une saison pour l’esprit, l’écho du monde à la mélancolie des hommes. C’était le temps suspendu, la fête de la mémoire, avant que la lumière du soleil revenu allonge le jour et fasse remonter la vie dans les plantes, dans les bêtes et dans les cœurs humains.


Mon évaluation : 4/5

Date de parution : 2016. Éditions de la Table Ronde, collection La Petite Vermillon, 240 pages.

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Le Ladies Football Club, Stefano Massini : les mecs n’ont qu’à bien se tenir !

« Ce fut comme si elles se rappelaient soudain/qu’elles existaient vraiment/par elles-mêmes./Car si jusqu’à présent elles avaient bien eu un rôle/c’était leur rôle à l’usine, à la chaîne de montage,/ou leur rôle domestique : fille, épouse ou mère./Enfin : un air nouveau ! » Le 6 avril 1917, une femme – ouvrière de Doyle & Walkers Munitions – repère un ballon dans la cour de l’usine – en réalité le prototype inoffensif d’une bombe destinée à atterrir sur la tête des Allemands – s’élance, et shoote, bientôt suivie par onze ouvrières, encore inconscientes de l’opportunité que leur offre la guerre dans le combat pour l’émancipation et la liberté. La mobilisation des hommes sur le front apparaît comme une bénédiction. L’occasion rêvée pour s’affranchir des rôles dans lesquels la société les a cantonnées. Fille et épouse de pasteurs, célibataire à la recherche d’un mari craignant de devenir vieille fille si la guerre se poursuit, épouse d’un socialiste à qui l’on notifie que ses avis politiques ne sont pas requis… Onze femmes qui, alors que les hommes affrontent l’ennemi, sont en charge de faire marcher le pays et de produire l’artillerie. Et puis après tout, les absents ont toujours tort, il sera toujours temps de leur expliquer lorsqu’ils reviendront le pourquoi du comment. En attendant, elles ont d’autres chats à fouetter ou plutôt des matchs à disputer. Contre des équipes de bras cassés, la tête ceinte de bonnets roses – puisque des femmes courant les cheveux au vent, c’est parfaitement inconvenant…, elles dribblent, jouent comme des déchaînées la rage au ventre, prêtent à en découdre, galvanisées par l’envie de mettre à bas des milliers d’années de patriarcat. Après l’éblouissant Les Frères Lehman, poème en vers libres retraçant le destin hors du commun d’une famille de banquiers, Stefano Massini réitère le procédé et relate avec la même fougue épique un événement historique. Plus qu’une satire politique, sous la plume drôle et piquante du romancier, la naissance en Angleterre du football féminin devient un acte féministe militant. Une lecture délicieuse. Une véritable bouffée d’air frais !

De fait,
dès le premier regard la blonde Emily
tomba amoureuse de Joshua,
car c’est cet amour qui lui sauva la vie.

Olivia copia cette phrase à la page 46 de Sept jours
d’amour
,
et – une fois amputée d’Emily et de Joshua –
l’utilisa à plusieurs reprises
pour raconter la naissance du Ladies :
« Dès le premier coup de pied,
nous tombâmes amoureuses du football,
car cet amour nous sauvait la vie.
»

Aussi, je vous en donnerai des footballeuses :
des prêtresses, voilà ce qu’elles étaient.
Et pas seulement du football :
d’un plus dont elles ignoraient le nom
mais qui les inondait de bien-être,
car à chaque coup de pied donné
elles avaient l’impression d’envoyer tout balader,
de défoncer le monde entier
qui de surcroît était rond.

« Mais vos maris ? Qu’en disent-ils ? Peut-on savoir ?

« Désolé, monsieur Walker, ils sont tous à la guerre,
à part le mien qui est aveugle et sourd,
ce qui m’empêche de lui poser la question. »


Mon évaluation : 4/5

Date de parution : 2021. Grand format aux Éditions Globe, traduit de l’italien par Nathalie Bauer, 192 pages.

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L’homme sans postérité, Adalbert Stifter : une filiation par procuration

« En secret, ma voix intérieure n’a cessé de me le dire : tu n’arriveras pas à faire que son œil te regarde, tu n’atteindras pas la bonté de son cœur, parce que tu ne l’as point semée, ni plantée. » Un vieil homme, seul, assis sur un banc, songe avec mélancolie au passage du temps, à ce qu’il a manqué et aurait assuré sa postérité. Tandis qu’ailleurs, par-delà les montagnes bleutées, un adolescent jouit pleinement de l’instant présent, sans imaginer que son destin se situe à un tournant. Chez l’écrivain autrichien Adalbert Stifter – dont le génie littéraire empreint de romantisme a été salué par Nietzsche, Kafka, Hermann Hesse ou encore Thomas Mann, on évolue dans un temps suspendu. Tout est retenu. Nulle effusion lors des retrouvailles entre un jeune orphelin et un oncle inconnu, que ce dernier a jugé bon de rencontrer avant d’en faire son unique héritier. Victor – qui a été confié à une femme d’une extrême bonté après le décès de ses parents, s’apprête à entamer un voyage à pied pour honorer l’invitation de son dernier parent à le rencontrer. Le vieil homme taciturne qui ne s’est jamais marié vit en ermite sur une île isolée. Aussi sauvage que Victor est aimable, il peine à exprimer ses sentiments. Devant ce mutisme déstabilisant, Victor ne comprend pas les intentions du vieillard qui le retient prisonnier. Les jours s’égrènent dans un silence plombant, les mêmes activités se répétant inlassablement, jusqu’à ce que peu à peu commence de sourdre la vérité, qu’un geste trahisse l’émotion procurée par la vue de cet adolescent qui, si les choses s’étaient passées autrement, aurait pu être son fils, et sera par procuration son unique descendant. Tel un aquarelliste, Adalbert Stifter compose par touches successives un roman d’apprentissage délicat où, derrière l’apparente banalité des thèmes évoqués, l’émotion affleure au détour d’une ombre portée, d’un regard surpris ou d’un mot glissé. Cette quête de filiation manquée se révèle d’une éclatante beauté.


Mon évaluation : 3,5/5

Date de parution : 1978. Poche aux Éditions Libretto, traduit de l’allemand par Georges Arthur Goldschmidt, 160 pages.


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Normal People, Sally Rooney : l’amour moderne au scalpel {#CoupDeFoudreLittéraire}

« Les gens peuvent vraiment se changer mutuellement. » À tout juste 30 ans, Sally Rooney – jeune autrice irlandaise devenue un véritable phénomène d’édition – nous donne à voir toute l’étendue de son talent. Normal People est un livre brillant, fulgurant et terriblement intelligent sur l’influence qu’exerce autrui sur nos vies. Le tour de force de ce second roman réside dans le contraste entre une écriture dépouillée et un propos d’une rare intensité. L’amour est passé au scalpel. Les dialogues sont au cordeau. Chaque mot est juste, d’une précision clinique. Sally Rooney décortique les relations amoureuses avec une telle finesse psychologique que, faute de pouvoir l’imputer à sa maturité, son acuité est sans nul doute un trait de sa précocité. Connell et Marianne se sont connus au lycée. Lui est plutôt beau gosse, lisse, taiseux et apprécié de tous – amabilité qui satisfait son désir de normalité, elle est la fille weird, asociale, considérant son aptitude à vivre en marge de la communauté comme un marqueur de sa supériorité. La mère de Connell faisant le ménage chez Marianne, les deux adolescents en viennent à se fréquenter et à partager une certaine intimité. Tenant à sa réputation, Connell ne tient surtout pas à officialiser leur relation. Comment cette complicité serait-elle perçue au lycée ? Quelle part trouble révèlerait-elle de sa personnalité ? Les années passent, l’université succède au lycée. Marianne s’épanouit, quand Connell perd ses repères. Seule perdure cette amitié amoureuse qui, sans le conscientiser infuse leur personnalité et structure leur identité. Ils se construisent en miroir : l’un apaisant l’anxiété que l’autre seul ne parvient pas à endiguer. Par le biais de ce chassé-croisé subtilement élaboré, Sally Rooney interroge la notion de normalité dans nos sociétés. Quels traits de caractère doit-on afficher pour être aimé ou au contraire dissimuler pour éviter d’être rejeté ? Dans ce texte salvateur d’une grande modernité, les jeunes adultes détricotent leur schéma de pensée, pour réaliser que leur singularité est avant tout fondée sur leurs fragilités, choses précisément pour lesquelles ils sont aimés.

Je ne sais pas ce qui ne tourne pas rond chez moi, répète Marianne. Je ne sais pas pourquoi je ne peux pas me conduire comme les gens normaux. […] Je ne sais pas pourquoi je n’arrive pas à faire en sorte que les gens m’aiment. Je crois que quelque chose ne tourne pas rond chez moi depuis le jour de ma naissance.

Il y a toujours eu quelque chose en elle que les hommes cherchent à dominer, et leur désir de domination ressemble fort à de l’attirance, voire à de l’amour. À l’école, les garçons avaient tenté de la briser à force de cruauté et de mépris, et à la fac les hommes avaient tenté d’y parvenir avec le sexe et la popularité, tous dans le but commun de dompter sa force de caractère. […] Chaque période de sa vie continuerait-elle à prendre la même tournure, encore et encore, celle de la même lutte implacable pour la domination ?

C’est l’un des secrets de ce changement dans l’équilibre mental, que l’on a appelé très justement la conversion : pour beaucoup d’entre nous, rien ne nous est révélé du ciel ou de la terre, tant qu’une personnalité n’a pas touché la nôtre en exerçant une influence particulière, pour la soumettre et la rendre réceptive.

George Eliot, Daniel Deronda

Placée en exergue du roman, cette belle citation de George Eliot introduit parfaitement le propos développé par Sally Rooney : soit l’influence, l’emprise parfois, qui, exercée sur autrui façonne sa personnalité.

Avec les autres, elle était si indépendante et distante, mais avec Connell elle était différente, c’était une autre personne. Il était le seul à connaître cet aspect de sa personnalité.

Évitant habilement les clichés des romans traitant de relations d’amour compliquées, Sally Rooney réalise la chronique lucide de son époque, marquée par l’ambiguïté. Elle retranscrit merveilleusement cette sorte de confusion des sentiments, la porosité de la frontière entre amour et amitié. Les situations auxquelles on consent malgré nous, faute à des non-dits, des malentendus jamais éclaircis. C’est l’entente tacite qui s’établit entre eux avec le temps, qui leur permettra de se comprendre mutuellement. De dissiper leur crainte d’être abandonnés, leur permettant de se libérer et de se donner complètement.

Il lui a dit qu’il voulait fréquenter d’autres filles et elle a dit : Très bien. Comme elle n’était pas officiellement sa copine, elle n’est même pas vraiment son ex. Elle n’est rien.

Il n’arrivait pas à comprendre comment ils avaient pu en arriver là, comment il avait la discussion prendre cette tournure.

Combien de fois avons-nous fait l’expérience désagréable d’une discussion prenant une autre direction que celle envisagée ? D’une intention initiale avortée qui redirigée nous conduit à accepter une situation donnée. Des choix de vie pris malgré nous, tout en ayant conscience d’avoir manqué l’opportunité à l’instant où elle s’est présentée. Sally Rooney restitue en peu de mots les chemins inextricables que prennent nos vies sans y avoir réellement consenti. Elle montre comment le rythme d’une conversation, une mauvaise communication, peut étouffer une intention première. Aspirer des désirs qu’on a tardé à formuler. Une omission chère payée, comme un chemin de vie qui ne sera jamais emprunté.

Je n’avais pas besoin de jouer à des jeux avec toi. C’était réel.

Traduire une expérience par des mots lui donne une sensation de pouvoir, comme s’il la mettait sous verre et qu’elle ne le quittait plus jamais complètement.

C’est marrant, les décisions qu’on prend parce qu’on aime quelqu’un, dit-il, et qui changent complètement notre vie. Je crois qu’on est arrivés à cet âge bizarre où plein de petites décisions peuvent changer votre vie. Mais tu as une influence très positive sur moi, dans l’ensemble, je me suis vraiment amélioré, je crois. Grâce à toi.


Mon évaluation : 5/5

Date de parution : 2021. Éditions de l’Olivier, traduit de l’anglais (Irlande) par Stéphane Roques, 320 pages.

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Soixante-neuf tiroirs, Goran Petrović : un lieu où s’aimer {#PépiteLittéraire}

« Les livres sont pareils aux éponges. Leur tissu alvéolaire, poreux, de dimension apparemment modeste, est capable d’absorber d’innombrables destinées, d’abriter même des peuples entiers. » De temps en temps, une pépite tombée dans l’oubli en est extirpée par une maison d’édition bien avisée. C’est le cas ici. Adam Lozanitch, étudiant en lettres à Belgrade, se voit confier une mission de correction déconcertante portant, non pas sur un manuscrit, mais sur un roman déjà imprimé dont l’auteur méconnu se serait suicidé. Publié à compte d’auteur, Ma Fondation d’Anastase S. Branitza est un texte aride : 600 pages de descriptions minutieuses d’une précision qui confine à l’obsession, sans qu’aucun personnage ne vienne y insuffler de l’action. Doté de la faculté de pénétrer à l’intérieur d’un texte, jusqu’à l’habiter, Adam mobilise son don pour apporter les corrections demandées. Un mot biffé suffisant à modifier l’agencement de la maison, une phrase subtilement tournée à moduler le tombé d’un tissu. Peu à peu, Adam comprend que derrière l’absurdité de ce texte désincarné se cache l’œuvre d’une vie. La création d’un espace hors du monde. Une pure construction de l’esprit, fruit d’une imagination foisonnante, faite entièrement de mots qui posés sur le papier prennent vie, se matérialisent, abritent un amour qui dans la réalité aurait été entravé. Un lieu qui permet à Anastase de retrouver celle qu’il aime en s’affranchissant de la société, du temps et de l’espace, grâce à la lecture simultanée d’un roman qu’il perfectionne jusqu’à l’acharnement. Un projet d’un romantisme fou conçu par un homme éperdument amoureux. Mais cette liaison qui s’épanouit entre les pages d’un roman, dans un temps suspendu s’écoulant au rythme des sentiments des amants, n’est-elle pas qu’une construction de papier ? Une chimère d’un raffinement exquis vouée à péricliter au contact de la réalité ? Partant du constat que le roman offre un espace de création infini, Goran Petrović livre une démonstration éblouissante des pouvoirs immenses du romancier capable de s’affranchir de la réalité pour jouir pleinement de sa liberté de créer. Merveilleux et vertigineux !


Date de parution : 2021. Éditions Zulma, traduit du serbe par Gojko Lukić, 368 pages.

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Les Grandes Familles, Maurice Druon : le meilleur du roman français {Prix Goncourt 1948}

« Et cette certitude d’être un salaud lui procurait en même temps la sensation salutaire d’être un homme. » Prix Goncourt 1948, Les Grandes Familles est le premier volet d’un triptyque romanesque, une fresque historique savoureuse sur plusieurs générations, s’inscrivant dans la tradition du grand roman balzacien. Paris, début du xxe siècle. L’illustre poète Jean de La Monnerie vient de décéder. À ses côtés, Simon Lachaume, son protégé, recueille ses derniers vers sibyllins, dont il s’empressera de faire un papier comme gage de son intimité. Sans se douter que le destin ne se joue à rien : saisir lors d’un enterrement le bref instant où un ministre flâne en solitaire suffit parfois à lancer une carrière. Encore faut-il avoir les bons appuis. En unissant leurs descendants, les de La Monnerie – grande famille aristocratique – et les Schoudler – richissimes hommes d’affaires – ont assuré la pérennité de leurs lignées. Commandeurs de la légion d’honneur, croix de guerre, académiciens, banquiers d’affaires, magnats des médias…les patriarches tout-puissants forment une élite politique et économique ayant ses entrées dans les hautes sphères. Dans cette atmosphère crépusculaire de l’entre-deux-guerres, où la société française sclérosée est tiraillée entre des dirigeants réticents à l’idée de céder les rênes du pouvoir à des jeunes inexpérimentés dont les dents rayent le parquet, les chefs de tribus bouffis d’orgueil refusent d’abdiquer. Quitte à écraser leurs enfants. Victimes collatérales d’une guerre d’ego entre clans situées au mauvais endroit au mauvais moment. D’une plume féroce, Maurice Druon dresse un tableau caustique de ces lignées de dirigeants. Ces grandes dynasties patriarcales où les femmes sont au choix des épouses cocufiées, des veuves éplorées ou des maîtresses vénales. Alors que pour rester au sommet, ces prédateurs sont prêts à toutes les extrémités, d’autres avancent leurs pions minutieusement, s’alliant au gré des opportunités, parfaitement conscients qu’« il y a, à l’intérieur même de la gloire, autant de degrés que de l’obscurité au succès. Simplement, on est moins nombreux sur les marches. » Le meilleur du roman français.


Date de parution : 1948. Grand format aux Éditions Julliard, poche au Livre de Poche, 384 pages.

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