Elizabeth Brundage signe un thriller psychologique haletant avec Dans les angles morts. La narration s’ouvre sur une journée neigeuse, dans une petite ville américaine. Un homme fait une découverte macabre. Le corps de sa femme gît, le cou tranché par une hache, dans le lit conjugal. Comble de l’horreur sa petite fille, Franny, se trouvait sur les lieux au moment du meurtre. L’enquête policière conclut rapidement que Catherine Crale a bien été assassinée sauvagement dans la nuit du 23 février 1979. Et, si aucun indice ne vient étayer la culpabilité du mari, il semble néanmoins que tous tendent à le désigner comme coupable. Un an plus tôt, le jeune couple de New-Yorkais a emménagé dans l’ancienne demeure des Hale, obtenue pour une bouchée de pain aux enchères. Et pour cause, les précédents locataires, un couple de fermiers perclus de dettes, s’y étaient donné la mort. Laissant leurs trois fils Eddy, Wade et Cole orphelins. Le drame familial qui s’est joué dans cette maison lugubre semble y avoir laissé une trace indélébile, s’être incrusté dans les murs. La mort violente des anciens locataires flotte dans l’air, distillant une présence angoissante et rendant l’habitation sinistre. George et Catherine Crale, parents d’une petite fille, forment un couple étrange. Leur union s’est scellée sous la pression d’une naissance imminente, quoique non désirée. Chacun conscient de la nécessité de jouer le rôle qui lui a été attribué. Se résignant, pour elle, au statut de femme au foyer avec une soumission toute naturelle fruit d’une éducation religieuse sévère, tenant son ménage au cordeau et prédisposée à tous les sacrifices. Pour lui c’est avec une soumission feinte, bien enclin à assouvir ses désirs ailleurs, qu’il entend diriger sa vie. On assiste au délitement de ce couple énigmatique, bâti sur des faux-semblants. La personnalité névrotique de Catherine s’accentue au contact d’un époux aux instincts pervers. La peur s’immisce dans le couple. Les non-dits, mensonges et trahisons s’accumulent. Une tension sourde et menaçante s’installe entre les époux. L’atmosphère mortifère imprègne les lieux, annonciatrice d’un dénouement funeste. Contribuant au suspense du récit, qui repose sur la personnalité psychotique du mari, dont l’auteure dresse un portrait psychologique saisissant.
Un thriller psychologique haletant
Il faut reconnaitre à Elizabeth Brundage, un sens aigu du suspense. Tous les ingrédients du roman noir sont réunis et fonctionnent à merveille. L’intrigue se déroule dans une petite ville américaine, dont les fermiers à court de ressources, laissent la place à de riches new-yorkais. Les Hale, un couple de fermiers, en proie à des soucis financiers se retrouvent dans l’incapacité d’honorer leurs dettes. Ne sachant comment se sortir de cette situation inextricable, ils choisissent de se donner la mort par inhalation de gaz. Le plus jeune de leur fils découvre ainsi les corps inanimés de ses parents le lendemain matin. Les trois garçons se voient dans l’obligation de céder la ferme à des inconnus faute de disposer des moyens financiers nécessaires pour la conserver. L’arrivée dans ce contexte du couple Crale, éveille la curiosité des habitants du coin. Bien que tous deux passionnés d’art, Catherine a du renoncer à son travail de peintre afin de se consacrer pleinement à l’éducation de sa fille Franny. Quant à George, il poursuit des études médiocres en histoire de l’art, jusqu’à prétendre au statut d’enseignant à l’université de Chosen. Leur histoire est l’histoire banale de deux jeunes étudiants qui faute de courage se retrouvent empêtrés dans un couple discordant au quotidien morose. La naissance de leur fille maintenant leur union à bout de souffle. George mis au courant du drame survenu à la ferme, décide de cacher la vérité à sa femme. Les semaines passant, celle-ci est pourtant témoin à plusieurs reprises de phénomènes troublants. Les portes claquent, une musique s’échappe du piano, des bruits de pas se font entendre. Consciente de l’étrangeté de la situation, elle est pourtant convaincue de partager sa maison avec les anciens locataires. En parallèle, son couple se délite au rythme des mensonges de son mari. La situation s’enlise jusqu’à devenir suffocante.
La finesse de l’analyse psychologique des personnages
L’angoisse ressentie à la lecture du roman d’Elizabeth Brundage provient des personnalités névrotiques des personnages. George Crale, véritable pervers narcissique, souffre de troubles psychologiques, le conduisant à asseoir sa position de mâle dominant au sein de son couple. Bien décidé à faire plier sa compagne au gré de ses humeurs. La terrassant si besoin est et la réprimandant violemment. Ce besoin de puissance se manifeste dans sa manière de soumettre son épouse. La dévalorisant et la dénigrant continuellement. Lui renvoyant à la figure le dégoût qu’elle lui inspire. La maintenant dans une situation de dépendance affective. La menaçant de lui retirer la garde de sa fille si l’envie lui prenait de mettre les voiles. Fin manipulateur, il éprouve au fil des jours le pouvoir que lui confère sa position de tortionnaire, exerçant une pression psychologique permanente sur sa femme. Le personnage imaginé par Elizabeth Brundage prend un plaisir jubilatoire à adopter un comportement de prédateur sexuel. Catherine, bien que victime d’un harcèlement moral qui va en s’intensifiant, ne peut se résoudre à être séparée sa fille. Élevée selon les préceptes de la religion catholique, elle ne conçoit pas de quitter le domicile conjugal. Elle est imprégnée du rôle de mère et d’épouse modèle qui lui a été inculqué depuis l’enfance. Face à l’échec cuisant de son mariage, elle joue la carte de l’aveuglement. Jusqu’au dénouement final.
Conclusion
Dans les angles morts est un thriller efficace, l’auteure distille avec brio une angoisse tenace au fil des pages. Qui ne fait que s’intensifier. Dotée d’un véritable don pour décortiquer la psychologie des personnages, l’auteure nous fait assister en qualité de témoin au lent processus de destruction d’une cellule familiale, sous le joug d’un pervers narcissique. Je vous recommande ce roman à la fois angoissant mais terriblement exaltant.
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